La seule femme à la tête de l’une des trente valeurs vedettes de Wall Street se retire. Carly Fiorina, la célèbre patronne de Hewlett-Packard , a remis sa démission le 10 février , en raison de désaccords avec le conseil d’administration. Aujourd’hui âgée de 50 ans, Carly Fiorina, auparavant chez Lucent, a pris les rênes de l’entreprise il y a cinq ans et demi. Son parcours restera d’abord marqué par le redressement d’un constructeur informatique en perte de vitesse face à ses concurrents, redressement mené au prix d’une lourde politique de restructuration. Surtout, Carly Fiorina a mené d’une main de fer le rachat de son concurrent Compaq, combat qui a nécessité huit mois de lutte. Voici la première partie de l’interview qu’elle avait accordée au Figaro le 22 novembre dernier. Figaro Entreprises Carly Fiorina : «Le rôle du PDG, ce n’est pas de gérer le cours de Bourse, mais l’entreprise» -LE FIGARO ENTREPRISES. – Imprimantes, micro-ordinateurs, appareils photo numériques, serveurs, services d’outsourcing… Une même entreprise peut-elle prétendre exceller dans autant de métiers différents ? -Carly FIORINA. – Certainement. Nous essayons de faire plus que d’être simplement les meilleurs dans chacun de nos métiers. Nous sommes présents à la fois sur des marchés de grande consommation et sur des marchés professionnels. Ce choix n’est pas celui de nos concurrents dans les technologies de l’information mais il est courant dans d’autres activités comme la finance ou les services à l’industrie, par exemple. La technologie affecte profondément le monde de l’entreprise, celui des administrations publiques mais aussi la vie privée de chacun. Nous vivons en effet le passage d’un monde analogique à un monde numérique, mobile, virtuel et personnel. Notre valeur réside dans notre capacité à réunir des produits et des services dans l’intérêt de nos clients pour accompagner cette transformation. Nous nous engageons sur un marché quand nous estimons qu’il entre dans notre stratégie. Cela dit, nous ne faisons pas plus de choses que d’autres, nous faisons des choses différentes. Prenez IBM, par exemple, qui a décidé de s’engager sur de nombreux marchés du conseil au logiciel en passant par les microprocesseurs. Nous sommes engagés sur une voie différente en bâtissant un portefeuille d’activités. -Vous venez de présenter de bons résultats annuels, après un troisième trimestre qui avait déçu. -CF: Après ce troisième trimestre chahuté, je suis satisfaite de la nette amélioration de nos résultats du quatrième trimestre et de la façon dont nous terminons l’exercice 2004. Les progrès opérationnels et la croissance du chiffre d’affaires nous ont permis de ramener la division des serveurs et du stockage à la rentabilité, alors qu’ils avaient connu des difficultés au cours du trimestre précédent. Par ailleurs, nous avons livré 14 millions d’imprimantes, un record historique en nombre d’appareils vendus et de profit réalisé sur un trimestre. La division des services a crû plus vite que le marché et affiche une marge opérationnelle de 10% du chiffre d’affaires. Quant à notre activité PC, elle a continué à améliorer sa rentabilité opérationnelle. – Jusqu’ici, pourtant, la Bourse vous a considéré comme un «conglomérat» et n’aime pas trop cela… -CF: Nous ne sommes pas un conglomérat, mais une grande entreprise technologique ! D’une part, le cours de HP traduit encore un doute sur la pertinence de la fusion entre HP et Compaq en 2002. Mais il se dissipera car cette opération est clairement une réussite. D’autre part, au troisième trimestre de notre exercice 2004, nous avons rencontré, comme je vous l’ai dit, un problème dans notre activité de serveurs et de stockage de données et le marché a réagi à cette alerte. En revanche, la Bourse reflète bien que le portefeuille d’activités tel que nous l’avons construit n’a pas encore donné toute sa mesure. Quand ce sera le cas, la Bourse réagira de manière positive. Cela étant, le rôle du PDG n’est pas de gérer le cours de l’action mais de gérer l’entreprise. HP est une entreprise de technologie et son portefeuille d’activités est bâti pour une ère numérique profondément différente de ce que nous avons connu jusqu’à présent. – HP doit-il encore grossir ? CF: Ce n’est plus nécessairement une question de taille. Nous avons une envergure suffisante. Désormais, chaque nouvelle acquisition sera très ciblée sur certains aspects de notre business, par exemple sur les logiciels, en particulier les logiciels de gestion d’infrastructures. Depuis un an, nous avons procédé à huit acquisitions dans ce domaine. -Il n’y aura donc pas d’autre Compaq ? CF: Il n’y a rien de prévu. Depuis la fusion avec Compaq, nous avons aussi procédé à d’autres acquisitions – et nous en ferons d’autres – dans les services aux entreprises. Ce marché est encore très atomisé et il existe un grand nombre d’acteurs locaux très intéressants. -Deux ans après, comment jugez-vous la fusion avec Compaq ? Est-ce vraiment un succès ? -CF: C’était une opération absolument nécessaire. HP et Compaq seraient aujourd’hui bien moins forts si les deux groupes n’avaient pas fusionné. Aucun n’aurait la position de leader que le nouvel HP a dans chacun de ses marchés. L’intégration s’est déroulée bien plus rapidement que prévu. Même s’il a pu y avoir des accrocs, elle a été bien menée. C’était clairement la bonne décision. – Aujourd’hui, même les services informatiques sont touchés par les délocalisations. HP s’inscrit-il dans ce mouvement ? CF: Nous sommes déjà présents dans 178 pays et nous sommes implantés dans la plupart depuis longtemps. C’est le cas de la France, du Mexique, de la Chine… C’est un grand avantage que de pouvoir saisir de nouvelles opportunités dans autant de pays mais aussi d’y recruter des talents. Les pays développés, la France comme les États-Unis, doivent prendre conscience qu’ils sont dans une économie mondialisée. S’ils veulent conserver leur place de leader, ils doivent continuer à innover comme nous le faisons en France à Sophia Antipolis. Au Mexique, au Brésil, en Chine, en Inde, il y a de plus en plus de salariés très motivés et très qualifiés qui veulent saisir leur chance de participer à cette économie globalisée. Nous n’y pouvons rien. Comme les entreprises, les pays doivent tirer parti de cette compétition et pousser toujours plus haut le curseur de l’innovation. -La suite de l’interview dans Le Figaro du 22.11.2004 : [->http://www.lefigaro.fr/entreprises/20041122.ENT0026.html]