Dans une ambiance tendue par la suspension de l’écotaxe, l’Assemblée nationale a adopté vendredi 10 octobre l’objectif d’une réduction à 50% de la part du nucléaire, comme promis par le candidat Hollande, avant de voter d’autres mesures du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Les explications de vote et le vote par scrutin public sur ce texte auront lieu, demain, mardi 14 octobre (Projet de loi à l’Assemblée : les titres I a VIII ont été adoptés ce 13 octobre 2014 – ÉNERGIE, AIR ET CLIMAT). L’Assemblée a ensuite adopté le volet du texte consacré au bâtiment. Des travaux de rénovation énergétique seront ainsi obligatoires en cas de travaux de ravalement, de toiture, et d’aménagement de nouvelles pièces. Madame la ministre explique dans cette interview au mensuel de l’Ademe pourquoi nous sommes tous les accélérateurs de cette grande mobilisation pour la croissance verte ?

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Les députés ont adopté, vendredi 10 octobre, les titres I à VIII du projet de loi sur la transition énergétique. Ces titres sont consacrés aux secteurs du bâtiment, des transports, de l’économie circulaire, du développement des énergies renouvelables, du renforcement de la sûreté nucléaire ainsi qu’à la simplification des procédures et au pouvoir d’agir. Parmi les autres objectifs définis figurent la baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030, et leur division par 4 en 2050. Enfin, la part des énergies renouvelables doit être portée à 23% en 2020 et 32% en 2030, et la consommation des énergies fossiles diminuer de 30% en 2030.

« Accélérer la mobilisation pour la croissance verte » selon Ségolène Royal, Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie

Vous allez défendre devant le Parlement, à partir du 1er octobre, le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Quels sont ses objectifs ?

– Ségolène Royal : C’est un texte très attendu, sur lequel j’ai beaucoup travaillé avec toutes les parties prenantes de la transition énergétique et dont j’ai tenu à saisir rapidement le Parlement. J’ai voulu que son titre mentionne explicitement la croissance verte, qui est pour la France une formidable chance. Une chance de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de mieux assurer notre indépendance énergétique. Une chance de stimuler l’innovation, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de développer des filières industrielles d’avenir. Une chance de créer des emplois non délocalisables, de mieux protéger la santé des Français et d’alléger les factures des ménages, qui y gagneront du pouvoir d’achat. Diversifier et rééquilibrer notre modèle énergétique, c’est changer nos manières de produire, de consommer, d’habiter, de nous déplacer, pour bâtir un nouveau modèle de développement et de société. Mon objectif, c’est que toutes les forces vives de notre pays – citoyens, territoires, entreprises – disposent d’outils très opérationnels pour se mobiliser et agir ensemble.

« Deux piliers majeurs sont la clé d’une action efficace et d’un changement d’échelle :
économiser l’énergie et développer les énergies renouvelables. »

J’ai veillé à ce que le projet de loi fixe un cap ambitieux et des objectifs concrets à court, moyen et long termes, donne un horizon stable pour agir dès maintenant, clarifie et simplifie les règles pour libérer les initiatives. Je me suis appuyée sur de nombreuses réalisations exemplaires des territoires, que l’ADEME connaît bien car elle les accompagne. Sur le terrain, le mouvement est lancé : la loi ainsi que les plans d’action que j’ai mis en place avec différents appels à projets et appels d’offres vont l’amplifier et l’accélérer.

Quelles sont les priorités que vous souhaitez mettre en valeur ?

-S. R. : Deux piliers majeurs sont, à mes yeux, la clé d’une action efficace et d’un changement d’échelle : économiser l’énergie et développer les énergies renouvelables. Il s’agit d’abord de généraliser l’efficacité énergétique dans tous les secteurs. Dans le bâtiment, avec le grand chantier de la rénovation des logements, qui représentent près de la moitié de notre consommation totale d’énergie. Pour améliorer les performances énergétiques de notre cadre bâti, public et privé, individuel et collectif, j’ai tenu à mettre en place des aides renforcées et simplifiées qui permettent de passer rapidement à l’acte (création du crédit d’impôt, relance des prêts à taux zéro en déchargeant les banques du contrôle technique des travaux, prêts à bas taux de la Caisse des Dépôts pour les projets des collectivités, interventions de la BPI et de la Banque européenne d’investissement, chèque énergie, tiers financement, etc.). Des dizaines de milliers d’emplois peuvent ainsi être créés dans un secteur fragilisé et les professionnels du bâtiment se former à de nouvelles qualifications.

Je compte sur la généralisation dans les communautés de communes des Plateformes de la rénovation énergétique, fortes de l’expérience des Espaces Info-Énergie de l’ADEME, pour que ce guichet unique de proximité, où trouver des informations, des conseils, des artisans certifiés, déclenche massivement les commandes. Le développement des transports propres et de la mobilité bas carbone (avec le soutien aux voitures et aux transports collectifs électriques ou hybrides rechargeables, les aides à la conversion des véhicules les plus polluants, l’équipement généralisé en bornes de recharge) permettra de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de diminuer notre consommation d’énergies fossiles, d’améliorer la qualité de l’air et d’engager ce que j’appelle « l’après-pétrole ».

J’ai voulu que l’économie circulaire fasse, avec la loi, son entrée dans notre droit positif, car elle permet d’économiser à la fois des ressources et de l’énergie, avec l’éco-conception des produits et le recyclage des déchets en matières premières. Le texte fixe des objectifs de réduction des déchets mis en décharge, affirme le principe du traitement de proximité et interdit de discriminer les matières issues du recyclage.

Le deuxième grand pilier, c’est la montée en puissance des énergies renouvelables dans l’Hexagone et, je le souligne, dans les outre-mer. Éolien, solaire, biomasse, géothermie, énergies marines… Toutes les ressources de nos territoires doivent être activement valorisées. La loi et les plans d’action qui, dès aujourd’hui, l’anticipent vont permettre de réaliser, par exemple, 200 territoires à énergie positive et 1 500 méthaniseurs en milieu rural, de développer des filières industrielles innovantes et compétitives, de mobiliser tous les territoires dans le cadre des nouveaux contrats locaux de la transition énergétique. Les procédures sont simplifiées, le financement participatif encouragé et le soutien aux énergies renouvelables modernisé pour hâter le mouvement.

– Qu’est-ce que ça va changer sur les coûts et les tarifs de l’électricité ?

– S.G: Je souhaite que la nation reprenne la main sur la conduite de sa politique énergétique. J’ai veillé au renforcement de la transparence et de l’information des citoyens sur les coûts et les tarifs de l’électricité ainsi que sur la sûreté nucléaire ; et à l’amélioration des services rendus par les compteurs intelligents, dont le déploiement permettra à chacun de connaître et piloter sa consommation. Le texte crée des instruments de planification à l’échelle locale et nationale (stratégie bas carbone, programmation pluri-annuelle de l’énergie pour atteindre, notamment, ces deux objectifs : 1/3 de l’énergie produite d’origine renouvelable en 2030 et 50 % de nucléaire en 2025). Des sociétés d’économie mixtes permettront de mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des concessions hydrauliques et de renforcer le contrôle public sur ce patrimoine commun des Français.

Comment envisagez-vous le rôle de l’ADEME ?

S.R. : Je compte sur l’ADEME pour former avec les DREAL, les directions départementales des territoires et les Régions, une véritable communauté de travail qui soit le fer de lance de la transition énergétique ! Je l’ai dit à vos directions régionales que j’ai réunies en juillet et en août : votre expertise et vos compétences, vos missions de conseil et d’accompagnement, vos relations de proximité avec les collectivités, votre culture du contact avec les citoyens et les entrepreneurs sont déterminantes pour réussir une mutation énergétique qui concerne tous les secteurs et tous les acteurs. Je compte sur vous pour être à l’écoute des porteurs de projets, pour mobiliser autour de vous, pour faciliter la diffusion des bonnes pratiques et les partenariats les plus efficaces sur le terrain, pour fédérer les actions en jouant pleinement votre rôle d’ensemblier territorial, de référent technique et financier. Je vous demande d’être les accélérateurs de cette grande mobilisation pour la croissance verte, afin qu’elle devienne l’affaire de tous.

En savoir plus sur :

le titre I consacré aux enjeux
le titre II consacré au secteur du bâtiment
le titre III consacré aux transports
le titre IV consacré à la lutte contre les gaspillages et la promotion de l’économie circulaire
le titre V consacré au développement des énergies renouvelables
le titre VI consacré au renforcement de la sécurité nucléaire et à l’information des citoyens
le titre VII consacré à la simplification des procédures
le titre VIIII consacré au pouvoir d’agir

http://www.developpement-durable.gouv.fr/Projet-de-loi-a-l-Assemblee-les.html

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http://www.ademe-et-vous.ademe.fr/le-magazine-n-78