Longtemps évoquée, prévue, repoussée, la taxe copie privée a été adoptée sur les tablettes tactiles. Que cela change-t-il ? Combien va-t-on payer en plus à la caisse ? Pourquoi la marque française Archos contre-attaque ? Les réponses de Romain Thuret pour Tech’ You !

La tablette tactile Galaxy de Samsung

Annoncée bien avant la sortie de l’iPad, l’arrivée de la taxe copie privée sur les tablettes est effective depuis le mercredi 12 janvier 2011, date du vote de la Commission pour la copie privée. Rappelons que cette taxe permet aux ayants droit de compenser la perte provoquée par les affreux consommateurs qui utilisent des achats musicaux légaux sur d’autres supports que celui d’origine.
L’apparition de la taxe sur le marché des tablettes est intégrée dans une mise à jour de ladite taxe (comprenez « augmentation du périmètre de la taxe »). Elle concerne donc désormais les tablettes tactiles bénéficiant d’un système d’exploitation pour mobile ou propre. Soit tout le marché sauf l’Archos 9, qui tourne sous Windows 7. La taxe se décompose selon un barème fondé sur des tranches de capacités mémoire, comme suit :

De 128 à 512 Mo > 0,35 euros
-De 512 Mo à 1 Go > 0,70 euros
-De 1 Go à 2 Go > 1,40 euros
-De 2 Go à 5 Go > 3,50 euros
-De 5 Go à 8 Go > 5,60 euros
-De 8 Go à 10 Go > 7 euros
-De 10 Go à 20 Go > 8 euros
-De 20 Go à 40 Go > 10 euros
-De 40 Go à 64 Go > 12 euros

Au regard des sorties récentes et futures en termes de tablettes, les hostilités démarrent donc à partir de 5,60 euros supplémentaires sur la facture.Pour l’instant, la Commission pour la copie privée ne semble pas voir plus loin que la capacité maximale d’un iPad, ce qui permet par exemple à un Archos 70 IT avec disque dur de 250 Go de n’être taxé qu’à hauteur de 12 euros. Même tarif pour un iPad de 64 Go, tandis qu’une Samsung Galaxy Tab de 16 Go voit son prix taxé à hauteur de 8. On ne sait pas encore avec précision qui chez les fabricants de tablettes imputera le coût de la taxe directement sur le consommateur, mais on se doute qu’ils ne s’en priveront pas.

Archos, le Français de la bande, annonce déjà cette possibilité.La grogne des constructeurs Archos justement, s’est largement répandu dans le journal Les Échos à quelques encablures de la validation de la taxe. Henri Crohas, Pdg d’Archos n’y va pas par quatre chemins et se livre ainsi : « si la taxation passe, cela serait particulièrement handicapant pour Archos. Cela nous pénaliserait bien plus que d’autres constructeurs, comme Apple. » Il faut dire que les tablettes iPad d’Apple débutent à 499 euros, rendant de fait la taxe plus simple à intégrer. L’exercice apparaît plus compliqué lorsqu’il faut pousser des Archos 70 IT ou 101 IT (tablettes Android de 7 et 10 pouces) positionnés entre 249 et 299€. « Pour nous, cette taxe entraînerait un surcoût de l’ordre de 10%, qui sera forcément répercuté sur le prix final que devra payer le consommateur« , continue Henri Crohas.De son côté, Apple est monté au créneau dans le courant de l’année 2010, tentant vainement de convaincre la Commission, par la voix de Josiane Morel sa directrice européenne des relations avec les gouvernements, d’une réalité : avec un iPad, dans le cadre d’une utilisation normale, il faut payer pour regarder ou écouter, via iTunes.
Alors pourquoi encore imposer une subside supplémentaire qui serait répercutée sur les clients ?Une pirouette ?Tout n’est pas encore perdu pour Archos et d’autres constructeurs qui pourraient d’aventure jouer la même partition. Le Français tente une pirouette de la dernière chance : l’entreprise tente désespérément de faire valider un nouveau statut pour ses tablettes.

Aujourd’hui, seules les tablettes utilisant un OS Windows 7 sont exonérées de taxe copie privée car il s’agit d’un OS d’ordinateur, un type de produit non concerné par la taxe. Henri Crohas plaide depuis plusieurs semaines auprès des acteurs politiques l’assimilation des Archos IT (sous Android) comme des produits ouverts, capables de supporter un autre OS que celui fourni, dont l’intaxable Windows 7 : « Nos produits sont assimilables à des PC. Ils sont totalement ouverts : on peut changer de système d’exploitation comme sur un ordinateur, ce que ne proposent pas les autres tablettes. De même, on peut y greffer l’ensemble des périphériques adaptables à un PC, ils sont aussi livrés avec une suite logicielle d’ordinateurs. Il s’agit davantage d’un mini-ordinateur que d’une tablette. »La feinte sera -t-elle efficace auprès des instances ? Ces dernières n’ont pas encore tranché et la Commission a déjà entériné la taxe pour les tablettes.

En attendant, Archos est prêt à aller jusqu’au bout et devant le Conseil d’État pour contrer une taxe qui lui a déjà coûté, hors augmentation et arrivée probable sur les tablettes, selon Henri Crohas, « 3 millions d’euros sur les 58 millions de chiffre d’affaires » de 2009.Il est toutefois amusant et assez consternant de voir qu’ici, la taxe s’invite sur un marché où certains produits conseillent ou exigent de passer par des services de musiques payantes ou payées en physique puis importées dans la tablette (iPad et Galaxy Tab par exemple). En somme, la taxe fait payer pour avoir le droit de payer. Amusant également, de constater que cette commission, constituée en partie d’ayants droit à plus de 50 % ne nécessite aucune loi ou cadre parlementaire stricte pour décider de changements concernant une taxe.

Posté par Romain Thuret – Tech’ You!
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