Il y a juste un an, le patron d’Amazon achetait le quotidien légendaire et influent Washington Post pour 189 millions d’euros: un coup de tonnerre dans la presse américaine, et un défi à toute la presse qui est soumise à de grandes manoeuvres, à coup de rachats et de disparitions. Où va donc la presse depuis que le quotidien se lit aussi sur tablettes et téléphones mobiles ? Arte creuse son « théma » ce mardi 26 août à 22h avec un documentaire choc: «Presse : vers un monde sans papier» réalisé par Pierre-Olivier François. Comment les grands groupes de presse réagissent-ils et organisent leur migration numérique ? A quels prix ? Algorithmes et robots journalistes sont-ils l’avenir de la presse ? 
Cette enquête internationale dans les rédactions (USA, UK, Allemagne, France, Inde) vise à «éclairer les téléspectateurs sur l’un des enjeux majeurs des démocraties modernes : la pérennité ou le déclin d’une presse d’information de qualité». D’autant que ce mardi 26 aout est particulièrement attendue par la pression médiatique de l’annonce du nouveau gouvernement Valls II et le 70éme anniversaire du Parisien** (le 25.08.2014) qui y a consacré un supplément de 16 pages. Interview en avant-première avant diffusion à 22h. Rediff le 9 septembre.

Pierre-Olivier François nous parle de son documentaire « Presse – vers un monde sans papier ».

Arte : « Vous avez fait des recherches pour les rédactions de journaux quotidiens aux Etats-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France et en Inde. Quelles différences dans la manière de gérer les enjeux de la révolution numérique avez-vous pu constater? »

-Pierre-Olivier François : Ce qui est frappant, c’est à quel point Internet est une révolution difficile à comprendre et à vivre pour tous les journaux. Tout a changé dans le petit monde de la presse : son business-model, les habitudes des journalistes et les attentes des lecteurs. Aux Etats-Unis, l’impact de ce bouleversement est bien sûr le plus avancé. L’hécatombe de journaux quotidiens y a été très sévère, mais, le dos au mur, les journalistes y ont aussi le plus intégré le fonctionnement de l’information online. Imaginez des journaux locaux où tout journaliste sait aussi faire des vidéos pour le site web ! Et au New York Times, le modèle pour beaucoup de journaux dans le monde, on réfléchit à des applications parlantes qui pourraient intégrer votre salle de bain ou vos lunettes ! En Allemagne au contraire, les grands éditeurs comme Springer ont su mieux résister, aussi parce que le lectorat est plus attaché au papier. La transition est moins sanglante et chaotique. En France, beaucoup de journaux, moins puissants se demandent s’ils survivront à cette phase de transition entre presse papier déclinante et sites de journaux qui deviennent progressivement payants. Ce que nous avons pu filmer, c’est comment chacun apprend des autres et essaye de s’adapter à la révolution en cours, en fonction de sa propre tradition de presse écrite.

« C’est en Inde qu’est imprimé aujourd’hui un cinquième des journaux dans le monde. Pour autant, la filière indienne a-t-elle les reins assez solides pour se soustraire à la disparition de la presse écrite ? »

-Pierre-Olivier François : A force de regarder la crise en Occident, on oublie qu’en Chine et en Inde, la presse écrite est encore en pleine croissance. Il nous a donc paru important d’aller dans un pays où des journaux régionaux tirent à 3 millions d’exemplaires par jour, où la publicité est en plein boom, et le lectorat reste le centre de toutes les attentions. En Inde, des catégories importantes de la population ont tout juste accès à la lecture ou sortent de l’extrême pauvreté ; et la première chose qu’ils veulent, c’est un journal quotidien en papier, signe de permanence. Les rédacteurs en chef parlent de leurs lecteurs comme de membres de leur famille ! Cela ne veut pas dire que le pays ne sera pas touché dans quelques années par la révolution Internet, mais les journaux ont plus de temps pour s’y adapter. Et en attendant, ils continuent d’être de puissantes entreprises génératrices de cash.

Selon vous, à quoi ressemblera le journal du XXIe siècle ?

– Pierre-Olivier François : Ce qui est certain, c’est que le « quotidien », au sens de rendez-vous et de concentré matinal de tout ce qui s’est passé la veille dans tous les domaines, est un modèle en fin de course. C’est tout simplement dépassé par rapport à la demande croissante d’information en temps réel. Après, bien malin celui qui saura définir le journal de demain. Pour certains, il faut que cela reste le lieu où des professionnels auront trié, mis en forme et dans le contexte les informations les plus importantes – Irak, réformes politiques, chômage –, même si ce n’est pas forcément pas le choix plus rentable en terme de publicité. Pour d’autres, ce seront des journaux faits sur mesure pour chacun de nous, en fonction de nos centres d’intérêts suivis à traces par des algorithmes de plus en plus prédictifs, et peut-être même des robots-journalistes. Parfait pour les publicités individuellement ciblées, mais avec le danger que certaines grandes informations nous passent à côté, ce qui n’est jamais bon dans une démocratie.
L’interview Arte avec Manuel Schoenung.
Source : 
http://www.arte.tv/guide/fr/048392-000/presse-vers-un-monde-sans-papier/?vid=048392-000_EXTRAIT-F

** Le Parisien, 70éme:

Le Figaro ,Les lecteurs de presse en ligne attachés au papier :
http://www.lefigaro.fr/medias/2011/04/22/04002-20110422ARTFIG00584-les-lecteurs-de-presse-en-ligne-attaches-au-papier.php

Pauline Bouveau a étudié le sujet, Etudiante en journalisme / Université Lyon 2
https://storify.com/PaulineBv/la-complementarite-du-web-sur-la-presse-papier

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