Alors que la start-up de Limoges Cybedroïd s’apprêtait à ouvrir une usine pour industrialiser la fabrication de ses robots humanoïdes, l’entreprise est déclarée en cessation de paiement. La faute à un manque de soutien financier, de communication et à la réforme de l’ISF en 2017, selon le cofondateur Fabien Raimbault. Dépité mais réaliste , le manager confie au Populaire du Centre*** le contexte de cette aventure édifiante qui pourrait trouver une suite avec un repreneur ce lundi 22 juillet. Espérons qu’un industriel français s’aligne avant l’Asie !


(Photo Le Populaire: La start-up Cybedroïd et ses robots à Limoges)

A deux doigts de l’industrialisation, Cybedroïd disparait. L’entreprise, qui fabriquait des robots humanoïdes à Limoges (Haute-Vienne) depuis 2014, se préparait à investir dans un site de production industriel. Après un cycle de recherche et développement initié en 2011, à Paris, la start-up est placée en cessation de paiement, faute de soutien financier.

Le téléphone sonne dans le vide. Seule une personne, qui partageait leurs locaux, confirme le départ général. Plus personne ne vient travailler dans ces bureaux, où L’Usine Nouvelle avait réalisé un reportage en mai dernier. Les 11 salariés font face, depuis début juillet, à la mise en liquidation de l’entreprise. Ils rencontreront les fondateurs de Cybedroïd, Fabien Raimbault et Miguil Abdillahi, le 22 juillet. Interrogé le 17 juillet par Le Populaire du Centre, Fabien Raimbault évoque des regrets et assume ses erreurs, notamment un manque de communication.

Pourquoi Cybedroïd ne fabriquera pas ses robots à Limoges ?

L’entreprise, créée à Paris en 2011, s’était installée à Limoges en 2014. Elle prévoyait d’y fabriquer les robots qu’elle avait développés. Mais l’aventure vient de s’arrêter… Impasse Daguerre à Limoges, les robots sont éteints. Comme l’équipe. Il y a encore quelques mois pourtant, c’était l’euphorie. Cybedroïd, spécialisée dans la fabrication de robots humanoïdes, qui employait onze personnes, s’apprêtait à passer au stade de la fabrication après huit ans de recherche et développement et de conception de prototypes. Fabien Raimbault, son PDG, explique à Anne-Sophie Pédegertau pour Le Populaire du Centre pourquoi il a tout arrêté.

Il y a quelques mois encore, vous aviez annoncé que Cybedroïd allait produire ses premier robots à Limoges. Que s’est-il passé ?
– Fabien RAIMBAULT: « Nous avions en effet finalisé la version « Leenby + », elle était prête à être produite en série. Nous avions tout normalisé. Le lieu de la manufacture était trouvé, le marché était là, le produit aussi, mais pas les moyens de le produire. »

Vous aviez pourtant reçu fin 2018 un financement de la région…
– FR: « Oui, la Nouvelle-Aquitaine et BPI nous ont accordé 250.000 euros pour finaliser la R&D du robot destiné à la production. Pour la phase suivante, il nous fallait 2 millions d’euros pour le bâtiment, les machines et les recrutements. Nous avons eu des promesses d’investisseurs mais pas d’actes. Nous nous sommes retrouvés dos au mur. Face aux difficultés financières, le 15 avril, j’ai pris mes responsabilités. L’entreprise a été placée en cessation de paiement et début juillet en liquidation.»

Pourquoi les investisseurs ne vous ont-ils pas soutenus ?
-FR: « Depuis la réforme de l’ISF en 2017, c’est très compliqué de trouver des fonds. Avant, nous n’avions pas de difficulté pour trouver des personnes qui investissent dans les sociétés. Il y avait des avantages fiscaux. Depuis, on ne les voit plus… Quant aux fonds d’investissement, ils ont connu beaucoup de déconvenues et sont très prudents. Aujourd’hui, ils ne suivent plus malgré ce qu’on raconte. J’ai perdu toutes mes illusions sur l’innovation. Il y a aussi les mentalités qui ont évolué en France. Il y a 8 ans, quand on a commencé, quand on allait voir les fonds d’investissement, ils nous disaient qu’ils investissaient sur les produits, pas sur les projets. Aujourd’hui, nous avons le produit, et ils nous disent qu’ils investissent sur les projets, plus sur les produits… Ce qui est rageant, c’est d’avoir échoué si près du but.  On était là au mauvais endroit au mauvais moment. Et puis on a certainement fait des erreurs… »

Lesquelles ?
FR: « Quand la réforme de l’ISF est passée il y a deux ans, j’aurai dû directement me tourner vers l’étranger mais ce sont des processus qui prennent un an, un an et demi. Et puis cela voulait dire que la technologie partait ailleurs, et je voulais qu’elle reste en France. Si c’était à refaire, c’est pourtant ce que je ferais.  Je crois aussi que nous n’avons pas assez communiqué. Nous avons tout misé sur le développement du produit. Nous avons inventé une technologie et mis au point des robots innovants. Mais nous avons négligé la communication, le marketing. Certains de nos concurrents ont fait l’inverse. Ils sont toujours là… »

La concurrence, justement, elle est où ?
-FR: « Il n’y en a pas ! Nous étions les derniers à fabriquer vraiment des robots. Il existe des marionnettes et des tablettes tactiles marionnettes… Concernant l’avenir de la robotique en France, je suis désespéré. On se heurte à trop de freins. On nous prend pour des tocards, pour de doux rêveurs. Il y a ceux qui disent que ça ne marchera jamais, et ceux qui nous encouragent mais qui n’ont pas le porte-feuille. »

Que va-t-il se passer maintenant ?
FR: « Il y a deux repreneurs qui sont intéressés. Tout est dans les mains du mandataire judiciaire. Il reçoit les salariés le 22 juillet. Le tribunal lui a confié  la reprise. En attendant, on ne remerciera jamais assez tous ceux et toutes celles qui nous ont accompagnés localement au cours de ces huit années. C’est à l’échelle France que cela a coincé. On s’est battu jusqu’au bout, on ne refera pas l’histoire. Merci à tous. »

Source: Interview Le Populaire du centre le 17 juillet

Domoclick.com avec ­GAUTIER ­VIROL pour LE QUOTIDIEN DES USINES , NOUVELLE-AQUITAINE PUBLIÉ LE 19/07/2019

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