Badaboum , la Commission européenne est passée ce mercredi 15 avril à l’offensive contre Google, accusant le géant américain d’abus de position dominante dans la recherche sur internet, ce qui pourrait lui valoir une gigantesque amende de 6 milliards de dollars, soit 10% de son chiffre d’affaires. Et alors que le Sénat Américain va enquêter sur les pratiques anti-concurrentielle du Géant de Mountain View dont voici les chiffres clés: 66 milliard$ de chiffre d’affaire en 2014 ,1 milliard de smartphones, 51 500 employés et, ce qui fait aussi sa force d’innovation: 9,8 mmilliard$ en R&D. Bref état des lieux des griefs, chances d’échapper à une amende collossale et nouvel route concurrentielle pour le moteur français Qwant*

Neuf couvertures de la presse Européenne consacrées à Google
Neuf couvertures de la presse Européenne consacrées à Google

Pour Google, c’est un coup dur. Après près de cinq ans d’enquête sur un éventuel abus de position dominante, la Commission européenne a finalement décidé, mercredi 15 avril, d’envoyer au groupe Internet américain ce que l’on appelle dans le jargon bruxellois une « Communication de griefs », c’est-à-dire un acte d’accusation en bonne et due forme. Est tout particulièrement visé le service « Google shopping » et le fait que Google privilégie systématiquement ce service par rapport aux autres services/comparateurs de prix en ligne « Je crains que l’entreprise n’ait injustement avantagé son propre service de comparaison de prix, en violation des règles de l’Union européenne en matière d’ententes et d’abus de position dominante », a déclaré, ce mercredi à mi-journée, la commissaire européenne en charge de la concurrence, la Danoise Margrete Vestager** selon le quotidien Le Monde du jour qui ajoute: « La Commission pourrait surtout lui imposer des actions « correctives » de nature à transformer son modèle économique. « Peut-être une séparation radicale, dans le résultat des recherches, entre les liens sponsorisés et les autres résultats de recherche », suggère un bon connaisseur bruxellois du dossier.

Le Monde interroge « Bruxelles ira-t-elle jusqu’à recommander un démantèlement du géant américain, comme l’ont demandé les eurodéputés, qui ont voté, symboliquement, en novembre 2014, en faveur d’une scission entre le moteur de recherche et les autres services commerciaux du groupe ? C’est très peu probable, estime une source proche du dossier. Mais il n’est pas non plus exclu que, malgré l’envoi de la notification de griefs, Google et la Commission parviennent quand même à un accord négocié, dans les mois qui viennent, sans sanction ni imposition d’actions correctives, Google s’engageant à prendre des mesures de son propre chef. Le groupe américain étant très soucieux de préserver sa réputation

Elle a aussi ouvert une enquête distincte pour déterminer si Google n’enfreignait pas les règles européennes de concurrence avec son système d’exploitation pour téléphone portable Android. »Je crains que l’entreprise n’ait injustement avantagé son propre service de comparaison de prix, en violation des règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante », a déclaré la commissaire européenne chargée de la Concurrence, Margrete Vestager. « Nous sommes fermement en désaccord » avec cette procédure, et « attendons de défendre notre dossier dans les prochaines semaines », a aussitôt réagi le groupe de Mountain View sur son blog.

« L’objectif de la Commission est d’appliquer les règles européennes (…) de manière à ce que les entreprises opérant en Europe ne privent pas artificiellement les consommateurs européens d’un choix aussi large que possible ou n’entravent pas l’innovation », a assuré Mme Vestager, refusant d’y voir un bras de fer entre l’Europe et les Etats-Unis, où elle s’envolait dans la foulée pour une visite de deux jours.

« Mes enfants et moi-même ne nous disons jamais que telle entreprise est européenne ou américaine. Nous utilisons Google car il offre de très bons produits », a-t-elle même lancé devant la presse. Mais concrètement, la Commission estime que Google, qui représente 90% des recherches sur internet dans la plupart des pays européens, favorise « systématiquement son propre produit de comparaison de prix dans ses pages ». En conséquence, les utilisateurs « ne voient pas nécessairement les résultats les plus pertinents en réponse à leurs requêtes ».

Google a désormais dix semaines pour répondre. « Si l’enquête devait confirmer nos craintes, Google devrait en assumer les conséquences juridiques et modifier la façon dont elle conduit ses activités en Europe », a estimé Mme Vestager. Une solution à l’amiable est toujours possible mais, dans le pire des cas, Google peut écoper d’une amende de quelque 6 milliards, équivalent à 10% de son chiffre d’affaires.

« Tout est ouvert » insiste la Commission Européenne

« Tout est ouvert. Il ne faut fermer aucune porte », a insisté Margrete Vestager, la commissaire européenne. « Une communication des griefs est une invitation pour avoir une audition et j’invite Google à utiliser toutes les opportunités ». Google avait été blanchi il y a deux ans par les autorités américaines de la concurrence, qui s’étaient contentées d’engagements de bonne conduite. La commission fédérale du Commerce (FTC) avait clos son enquête antitrust en affirmant ne pas avoir trouvé de preuve d’abus de sa position dominante dans la recherche en ligne.

Le gendarme européen de la Concurrence a ouvert une enquête fin 2010. Pendant des années, sous la houlette de l’ancien commissaire chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia, elle a cherché les voies de la conciliation en demandant à Google de proposer des « remèdes ». Mais les propositions de solutions avancées par Google avaient été retoquées par la Commission à trois reprises. La Commission avait initialement relevé quatre points de préoccupation et n’en a retenu qu’un ce mercredi 15 avril. « Nous allons continuer à enquêter » sur les trois autres, a promis Mme Vestager.

L’organisation Fair Search***, qui représente plusieurs concurrents comme Microsoft, Oracle, Expedia ou Tripadvisor, a « applaudi » la décision de la Commission, qui « crée un précédent » pour mieux s’attaquer aux pratiques de Google. L’autre organisation de plaignants, Icomp, a salué « une décision courageuse » face à un groupe qui « se croit au-dessus des lois ». Dès novembre 2014, le Parlement européen avait adopté à une très large majorité une résolution, certes symbolique, mais qui appelait au démantèlement de Google en « séparant les moteurs de recherche des autres services commerciaux ».

S’agissant d’Android, la Commission entend « évaluer si, en concluant des accords anticoncurrentiels et/ou en commettant d’éventuels abus de position dominante, Google a illégalement entravé le développement et l’accès au marché des systèmes d’exploitation pour appareils mobiles ainsi que des applications et des services de communication mobile de ses concurrents ».

Qwant, le moteur de recherche Français attend son heure de gloire !

Si Google est devenu incontournable avec 95% de part de marché, le moteur ne laisse que des miettes à ses concurrents Yahoo, Microsoft (avec Bing) et… Qwant, le moteur 100% français qui tente d’exister avec un modèle économique à mille lieux de celui de Google. Les chiffres de Qwant sont certes encore à des encablures de ceux de Google, ce dernier affichant 3,5 milliards de requêtes journalières lorsque Qwant se targue d’en avoir obtenu 1,6 milliard…sur l’ensemble de l’année 2014 !

Pour autant, écrit Kulturegeek***, le moteur français continue son évolution avec une nouvelle interface tout en gardant sa spécificité l; la catégorisation des contenus. Il compte sur l’évolution des mentalités et la mauvaise passe de Google en terme d’image (soupçons d’abus de position dominante, non-respect de la vie privée des utilisateurs) pour promouvoir une solution maison qui a pour principal atout de ne pas permettre le traçage de l’utilisateur et se rémunère à la seule commission, lors d’une ouverture d’un site d’e-commerce qui apparaît dans la colonne shopping.

* Qwant
https://www.qwant.com/

*** Kulturegeek
http://kulturegeek.fr/

**** Fair Search:
http://www.fairsearch.org/eu/

Domoclick.com avec , pour l’analyse Commission Européenne, Aurélie MAYEMBO et Jean-Luc BARDET (AFP)