Total a rappelé à sa tête mercredi 22 octobre son ancien patron Thierry Desmarest, associé à Patrick Pouyanné comme directeur général, pour succéder à Christophe de Margerie, tué lundi 20 octobre en Russie dans un accident d’avion. Pourquoi la presse (excepté la presse économique***) ne fait pas de ses patrons des stars, les nouveaux héros d’un siècle qui investit dans les énergies renouvelables sans attendre des lois de Transition énergétique ? ce qu’à fait Total en rachetant SUNPOWER** aux Américains en 2011. Pourquoi une personnalité aussi charismatique à la vision géostratégique si pertinente sur nos amis Russes et Arabes que Christophe de Margerie n’a-t-elle pas une place plus forte dans les médias Français ? Pourquoi les héros ne seraient-ils que des chanteurs ou des footballeurs ? A vous de répondre comme M Védrine (ex ministre des Affaires étrangères) dont l’hommage à « Big Moustache » éclate dans cette vidéo de 8’50 » produite par Les Echos*** sur la dimension d’homme diplomate, humaniste et visionnaire.
« Sous une apparence très relax, parfois même dilettante, c’était un énorme bosseur », témoigne un collaborateur de longue date. Il y a sept ans, Jean-François Arrighi, un « ami de vingt ans », en charge de l’Afrique du Nord au sein de la branche exploration-production, avouait avoir parfois du mal à suivre le rythme : « Christophe exige beaucoup de ses collaborateurs. C’est effrayant ! Jamais fatigué, jamais gêné par le décalage horaire. En fait, je crois qu’il a du mal à comprendre qu’on puisse avoir besoin de dormir… » Ce grognard en rigolait. Pas toujours ceux qui étaient contraints de déguster avec leur patron un whisky hors d’âge à 3 heures du matin, après une longue journée de travail.
Talents de diplomate
Hyperactif, le patron de Total ? Sans doute. Mais c’est aussi ce qui lui a permis d’enrichir progressivement son bagage de départ. A ceux qui regrettaient – jamais ouvertement – qu’il ne soit pas ingénieur, ses nombreux partisans ont plutôt fait valoir ses talents de diplomate hors pair. Hubert Védrine est bien placé pour en juger. L’ancien ministre des Affaires étrangères a souvent été amené à rencontrer Christophe de Margerie. De son point de vue, le successeur de Thierry Desmarest était tout simplement « au même niveau que les meilleurs du Quai d’Orsay ». La moindre des choses, il est vrai, quand on porte le nom d’une famille d’ambassadeurs. « A la tête des grands groupes, poursuit le ministre, les dirigeants perçoivent évidemment les enjeux mondiaux, mais leur expertise se cantonne le plus souvent à leur domaine de prédilection. Christophe de Margerie avait un compas beaucoup plus large. Par goût personnel, il s’intéressait à une foule de choses qui lui conféraient une véritable culture diplomatique. Et pas seulement au Moyen-Orient. »
Alors, lorsqu’il s’agit de négocier au plus haut niveau avec des pays producteurs de plus en plus réticents à partager leurs réserves d’hydrocarbures, Margerie ne part pas tout à fait de zéro. « Au plus profond de lui, c’est quelqu’un qui a conscience du déséquilibre existant entre les pays riches et les autres, disait de lui Randa Takieddine. Dans son travail, c’est essentiel : il ne veut surtout pas apparaître comme l’Occidental qui écrase tout sur son passage. » Observateur privilégié des tensions de la planète, Christophe de Margerie encourageait effectivement un nouveau type de relations avec les nations productrices : « Ces pays ne nous appartiennent pas, prévenait-il.
On ne peut pas considérer comme normal que nos revenus augmentent indéfiniment avec les prix du pétrole. Il faut rester raisonnable. » Par rapport aux enjeux climatiques aussi, le PDG de Total avait choisi de faire entendre sa propre petite musique, revendiquant haut et fort les investissements réalisés dans le solaire : « Pas pour avoir l’air sympathique, pas parce que le “ green ” est dans l’air du temps, mais parce que ce business devient profitable, de plus en plus compétitif, et parce qu’il nous faut prendre en compte une réalité qui s’impose à tous : le changement climatique ». Une phrase qui résume à elle seule le chemin parcouru par Total, sous l’impulsion de ce patron qui ne ressemblait à aucun autre. Portrait par Pascal Pogam / Rédacteur en chef Les Echos*** le 21/10 à 19:34
sous le titre: Christophe de Margerie, Total dans le sang
Jacques-Emmanuel Saulnier, directeur de la Communication de Total s’exprimait il y a quelques semaines à l’occasion de la campagne de communication institutionnelle et mondiale sur le concept « Committed to Better Energy » ; « C’est une signature de marque. Nous la déployons d’ailleurs depuis début 2014, donc bien en amont du dispositif publicitaire télé, print ou web lancé aujourd’hui. En revanche, celui-ci a été entièrement conçu pour l’illustrer et mettre en scène le message dont elle est porteuse. « Committed », c’est l’ensemble des collaborateurs du Groupe qui sont engagés et impliqués dans cette démarche. « Better » exprime la logique de progrès continu qui nous est chère : nous travaillons quotidiennement à rendre l’énergie plus sûre, plus accessible, plus efficace, plus innovante, … Meilleure.
La presse salue le « capitaine d’industrie » et « l’ambassadeur »
Les éditorialistes joignent leur voix mercredi 22 octobre aux hommages appuyés qui ont suivi la mort du patron de Total, Christophe de Margerie, « capitaine d’industrie » et « ambassadeur » de la France. « Phénomène rare, peut-être unique… La France, qui n’aime guère ses patrons – elle a parfois de bonnes raisons pour cela -, s’incline avec une émotion qui n’est pas seulement de convenance devant la mémoire de Christophe de Margerie », remarque Laurent Joffrin dans Libération.
Les éditoriaux louent à la fois les qualités de dirigeant d’une très grande entreprise de Christophe de Margerie mais aussi sa contribution au rayonnement d’un pays. »La France a perdu non seulement un capitaine d’industrie mais aussi un homme à l’influence considérable. Signe d’un temps où l’économie est la plus puissante des diplomaties », relève Dominique Greiner (La Croix). « Il y a des entreprises qui sont un peu la France » et Christophe de Margerie « était d’abord un grand capitaine d’industrie portant haut les couleurs de la France », renchérit Thierry Borsa dans Le Parisien.
« Au final on doit porter à son crédit d’avoir réussi à maintenir son rang parmi les géants de l’or noir bien que l’Hexagone n’en compte pas une goutte », analyse David Barroux dans Les Echos. Pour Pascal Coquis des Dernières Nouvelles d’Alsace, il « était de ces hommes de la pénombre au poids politique considérable et à l’entregent essentiel en période de crise majeure ».
« Christophe de Margerie, plus qu’un patron, était un ambassadeur de la France,
Notamment en Russie où Total investit massivement », fait valoir Jacques Camus dans La Montagne/Centre France. Dans ce concert de louanges, certains rappellent – fût-ce brièvement – « que les critiques de certaines ONG, de défenseurs des droits de l’homme, de responsables écologistes ou de leaders de la gauche demeurent » (Eric Dussart, La Voix du Nord).Mais « qu’il fréquentât pour les besoins de sa cause des dictateurs réputés infréquentables, qu’il assumât des relations politiquement sensibles du Gabon jusqu’en Birmanie, qu’il négociât âprement lors d’improbables parties diplomatiques aux fortes odeurs de pétrodollars, Christophe de Margerie s’estimait porteur d’une double mission : travailler à la fois pour Total et pour la France », résume Jean-Claude Souléry dans La Dépêche du Midi. « En quatre ans de présidence, le PDG de Total aura dispersé les vapeurs de soufre d’AZF ou de l’Erika pour mieux vendre un projet industriel construit sur le gaz et le pétrole, envers et contre toutes les oppositions », conclut La Charente libre, sous la plume de Jean-Louis Hervois.
Domoclick.com avec l’AFP et LES ECHOS:
*** L’intégrale du portrait dans Les Echos: Christophe de Margerie, Total dans le sang
http://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/0203878150884-christophe-de-margerie-total-dans-le-sang-1056048.php?w1c3fCYMp0qQBe2f.99
LA VIDEO LES ECHOS:
http://videos.lesechos.fr/news/invite-des-echos/hubert-vedrine-christophe-de-margerie-l-une-des-rares-personnes-en-france-a-connaitre-le-fonctionnement-du-monde-3852220006001.html
** Sunpower est un fabricant de panneaux solaires, filiale depuis avril 2011 de Total, qui possède également Tenesol, cotée au NASDAQ,
http://www.sunpower.fr/