Plus vitale que l’énergie, l’eau vient à manquer dans 19 départements français en alerte et en attente d’une pluie salvatrice, pour assurer des récoltes en pleine formation, menacées par la sécheresse. Si les cafetiers, lunettiers et les boutiques de mode d’été se frottent les mains, les restrictions d’eau concernent toute la population. Oui ou non ? Bref état des lieux avec une analyse sur l’impact du réchauffement climatique et nos suggestions pour économiser l’eau au quotidien. Et ne jetons pas la pierre ni aux agriculteurs sans qui nous n’aurions pas de pain, ni aux industriels qui, comme Danone, avoue gérer l’eau si bien que sa « consommation aura diminué de moitié en 10 ans »

Carte de localisation des 17 départements concernés par des restrictions d’eau au 6 mai 2011:En Poitou-Charentes ou en Rhône-Alpes, en Alsace ou en Pays-de-la-Loire, en Aquitaine, Bretagne, ou Normandie, mais aussi autour de Lille, le diagnostic est commun, dans un printemps parmi les plus secs et chauds des dernières décennies: il faut qu’il pleuve, vite, voire très vite, pour éviter une forte baisse des rendements des cultures semées en automne ou hiver, comme le blé, l’orge ou le colza. (Carte AFP)

En Champagne-Ardennes, « on attend avec beaucoup d’impatience des pluies importantes », sinon ces cultures « risquent un fort déficit de l’ordre de 50% », explique Gilles Debaire, président de l’association pour la gestion de la ressource en eau agricole et ses usages (Agreau 51). « Sans pluie à partir de maintenant, on s’engage chaque semaine vers une perte progressive du potentiel de rendement » a-t-il expliqué. « Les huit à dix prochains jours seront décisifs », renchérit Daniel Martin, de la FRSEA Rhône Alpes. Les grains de blé sont en formation en ce moment, et c’est maintenant que tout se joue, expliquent les responsables agricoles, plus ou moins pessimistes selon les régions.

« Même sur les bonnes terres on peut anticiper des baisse de 30 à 40% des rendements », pronostique Franck Sander, président des Jeunes agriculteurs du Bas-Rhin, qui dirige une exploitation de 90 hectares. En Bourgogne, « la situation est très préoccupante », avec des « baisses de rendement déjà marquées », mais il est « très difficile de mesurer l’impact » sur les récoltes, estime Arnaud Rondeau, de la FRSEA Bourgogne. Dans l’Eure, les rendements sont « déjà compromis » pour les céréales cultivées dans les terres légères à faible réserve d’eau (plateau de Saint-André par exemple), mais « le potentiel n’a pas encore été touché dans les bonnes terres », selon Jean-Luc Cintrat, spécialiste agronomie à la chambre d’agriculture.
Dans la Beauce, le grenier à blé de la France, les céréaliers se disent plus « vigilants » qu’inquiets. « Les sols superficiels commencent à souffrir un peu. Les autres plus profonds possèdent encore des réserves », estime Philippe Lirochon, le président de la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir.

Un peu partout en France, l’inquiétude concerne aussi les éleveurs, qui voient l’herbe et les fourrages se raréfier.
« Je n’ai jamais vu aussi peu d’herbe dans les prairies », témoigne Jean-Paul Decherf, agriculteur à la tête d’une exploitation de 100 hectares, à Comines (Nord), dans la région lilloise. En Aquitaine, « il n’y a pas eu de pousses d’herbe de printemps » et « les premières coupes ont été faibles », la situation des éleveurs est « dramatique » sauf en Pyrénées-Atlantique où il a plu, estime Gérard Mutolo, directeur de la FRSEA.

En Savoie, « les premières coupes de foin montrent des rendements en baisse de 30 à 40% », affirme la FDSEA. Même sur les vertes pâtures de l’Ouest, la situation se tend. Dans le bocage de l’Orne, « la chaleur fait que les graminées (ray-grass, brome, dactyle…) montent en graine sans faire de tige ou de feuille », les parties de la plante qui nourrissent les animaux, constate Xavier Goutte, un responsable technique de la chambre d’agriculture, qui craint que la situation ne devienne « difficile » pour les éleveurs. Et les éleveurs s’inquiètent aussi du manque de paille qui pourrait se créer, si les récoltes céréalières diminuent.

Le réchauffement climatique a réduit la production mondiale de maïs et blé

Le réchauffement climatique a fait baisser depuis 1980 la production mondiale de maïs et de blé ce qui pourrait être un facteur dans la hausse des prix alimentaires durant cette période, selon une étude parue dans la revue Science datée de vendredi 6 mai . « Les modèles informatiques qui lient les rendements des quatre grandes cultures à la météorologie indiquent que la production globale de maïs et de blé a diminué de 3,8% et 5,5% respectivement comparativement à une situation où il n’y aurait pas eu de réchauffement », précisent les auteurs de ces travaux. La diminution de ces deux grandes récoltes serait responsable d’une augmentation de 6% des prix alimentaires depuis 30 ans, estiment-ils. Cela correspond à 60 milliards de dollars de dépenses supplémentaires annuelles dans le monde consacrées à la nourriture, ont-ils calculé.

En revanche, les cultures de soja et de riz n’ont pas été affectées négativement par la montée des températures terrestres. Des pertes dans certaines régions du monde ont en effet été compensées par des gains ailleurs. Les auteurs de cette recherche, dont David Lobell de l’Université Stanford (Californie), ont examiné la production de ces quatre grandes récoltes mondiales qu’ils ont comparées aux relevés des températures sur le globe de 1980 à 2008. Ils ont aussi tenu compte d’autres facteurs météorologiques comme les précipitations. Ces quatre récoltes fournissent quelque 75% des calories que la population mondiale absorbe directement ou indirectement avec la viande et les autres produits provenant du bétail nourri avec des aliments fabriqués à partir de ces cultures. Ils ont développé deux modèles informatiques, l’un simulant l’augmentation des températures de la Terre et le second laissant ces dernières inchangées à leur niveau de 1980, les autres variables étant égales par ailleurs dans les deux modèles.

Les baisses de production ont varié selon les pays et les latitudes où ils se trouvent. La Russie a subi le plus fort recul (-15%) dans sa production de blé de 1980 à 2008, tandis que l’Inde, la France, le Brésil et la Chine ont vu leurs récoltes de maïs diminuer de seulement quelques points de pourcentage en raison du réchauffement. D’autres pays ont aussi enregistré de petits gains de production avec la montée des températures, toujours selon le modèle ordinateur. De plus, l’accroissement des émissions de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre, a eu l’effet d’un fertilisant qui a contribué à la pousse des plantes, compensant en partie les pertes dues à la montée des températures.

Les végétaux absorbent le CO2 présent dans l’atmosphère par la photosynthèse.

Une fois prises en compte toutes ces variables, les auteurs de l’étude concluent qu’au final les effets du changement climatique ont été modestes jusqu’à présent. Les Etats-Unis constituent une exception notable puisque les grandes plaines de production du Midwest n’ont pas connu de réchauffement de 1980 à 1988. Les récoltes n’ont donc pas diminué, relèvent les chercheurs sans vraiment en expliquer les raisons. Mais dans quasiment toute l’Europe, de grandes parties de l’Asie, certaines zones en Afrique et en Amérique du Sud, ils ont observé une augmentation de plusieurs degrés en moyenne depuis 1980 durant la période de la pousse des récoltes, augmentant la probabilité de journées très chaudes l’été.
L’étude n’a en revanche constaté aucun changement notable dans les précipitations durant les trois dernières décennies.

Boutique d’accessoires pour gérer l’eau chez soi:
http://www.meseconomies.fr/2-faire-des-economies-d-eau-au-quotidien

Une lecture ? que dis-je , une friandise d’Erik Orsenna à lire sur ce que représente l’eau dans le monde, celles et ceux qui gèrent l’eau en millions d’hectolitres, partout dans le monde:
http://www.livredepoche.com/livre-de-poche-3129939-erik-orsenna-l-avenir-de-l-eau.html

Domoclick.com et l’AFP