Les opérateurs télécoms, réunis en congrès à Barcelone* la semaine dernière, voient leurs revenus basés sur la voix et les SMS s’effondrer, alors que leurs clients utilisent de plus en plus l’internet mobile, coûteux en investissements et qui bénéficie surtout aux acteurs du web. Nous reproduisons une interview parue le 25.02.2013 dans le Monde sur les Smartphones et tablettes qui condamnent, à terme, la consommation linéaire » et redoute que « Google proposera des billets de train à la vente et viendra marcher sur les plates-bandes de la SNCF ». Propos recueillis par Nicolas Richaud**

la tendance est au grand format, avec des mobiles XXL baptisés "phablets". Dernières innovations, Optimus par LG, modèles présentés au MWC de Barcelone.

Dans son ouvrage, paru fin janvier, La Fin de la consommation linéaire, les consommateurs deviendraient-ils des zèbres ?,

– Jean-Marc Vauguier, ancien directeur du pôle de compétitivité TES (Transaction électroniques sécurisées), où il a travaillé sur le déploiement des usages mobiles, et actuel dirigeant d’une entreprise de conseil, baptisée z#bre, affirme que les smartphones et autres tablettes révolutionnent le comportement des consommateurs.

Pourquoi comparez-vous les consommateurs à des zèbres ?

-JMV: Parce que ce dernier est un animal difficile à dompter, et que tous sont différents : il n’y en a pas deux qui aient les mêmes rayures.
Les consommateurs actuels ont sensiblement le même profil. Avec le développement des technologies mobiles – smartphones, tablettes, la 3G –, leurs attitudes ont tendance à s’individualiser. Avant la généralisation de l’Internet mobile, la majorité des clients étaient très stables dans leurs comportements.Désormais, les gens ont cette capacité à s’informer en temps réel, partout et en tout lieu, ce qui condamne, à terme, la consommation linéaire, car ça finit par avoir un impact sur leur manière de consommer.

Comment cela se traduit-il ?

– JMV: Vous imaginez que l’Ipad 2 est aussi puissant que l’était le Craye-2, supercalculateur le plus développé au milieu des années 1980 – et qui valait 17 millions de dollars (12,9 millions d’euros) à la fin des années 1980 ! Les gens ont dans les mains un accès à l’information et des méthodes de calcul hors du commun. Pendant longtemps, l’information sur les produits était « poussée » par les marques ou les distributeurs.En accédant à des informations indépendantes, bases de données collaboratives, réseaux sociaux et autres, les consommateurs choisissent, comparent et individualisent dans l’instant leurs sources d’information sur la qualité des produits, leurs prix…Avec les technologies actuelles, le potentiel de désintermédiation est gigantesque.

Quels sont les secteurs les plus touchés ?

En premier lieu, la distribution. Darty et la FNAC s’apparentent de plus en plus à des showrooms. Les clients viennent regarder le produit, le touchent, se font conseiller, puis ils le commandent, par leur smartphone, sur un site où le prix est plus attractif.Mais, à mon sens, tous les secteurs seront concernés tôt ou tard par ce phénomène de « consommateurs zébrés ». Regardez, il y a quelques mois, Guillaume Pépy, président de la SNCF, et Jean-François Rial, PDG de l’agence Voyageurs du Monde, se sont alarmés dans une tribune, publiée par Le Monde, de « la dangereuse hégémonie des géants du Net et de leurs services commerciaux » et ont dit « redouter un tsunami économique ».A l’heure actuelle, Google propose des services d’accès aux horaires, des « informations voyageurs ». Mais on peut imaginer que, rapidement, Google proposera des billets de train à la vente et viendra marcher sur les plates-bandes de la SNCF.

Est-ce que la fin de la consommation linéaire signifie aussi la fin du magasin tel que nous l’avons toujours connu ?

– JMV: Ce qui est certain, c’est que c’est la fin d’une période. En France, la crise masque l’arrivée de ces nouveaux usages. Nous avons les yeux rivés sur le trimestre en cours, mais il faut lever la tête du guidon.En Chine, en Corée du Sud, le paiement mobile est déjà très répandu, acheter son billet dans le métro avec son smartphone aussi. Et l’arrivée de la téléphonie mobile 4G va très certainement booster encore ce phénomène.

Après, je ne pense pas que l’on assistera à la fin, en tant que telle, de l’épicerie ou de la grande surface.En analysant le succès des « drive » – ces points de retrait où le client vient chercher ses courses après avoir passé son ordre d’achat sur Internet –, on s’aperçoit que les nouvelles formes de distribution sont novatrices sans l’être. Demander, par Internet, à ce que quelqu’un prenne les articles dans les rayons, les mette dans un chariot puis les passe en caisse avant de les mettre à votre disposition n’a-t-il pas un côté un peu absurde ?

* Le salon et congrès MWC à Barcelone, février 2013: http://www.mobileworldcongress.com/

** Propos recueillis par Nicolas Richaud pour Le Monde:
http://www.lemonde.fr/

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