Les plus grands acteurs du web mondial, réuni à Paris pour l’e-G8, a achevé ses discussions après une intervention remarquée de Mark Zuckerberg (Montagnedesucre) en relation avec le rôle de Facebook dans la révolution Arabe. En contrepoint, les membres de la société civile (ONG, associations et militants d’un net libre) ont fait connaître leur mécontentement de ne pas être suffisamment associés et invités qu’à la dernière minute. L’ensemble des débats n’a pas encore débouché sur des propositions officielles à présenter aux chefs d’Etats du G8 à Deauville ce jeudi 26 mai. Selon le New York Times, les membres du G8 ont déjà décidé de lancer un appel pour un renforcement de la régulation sur internet. Un consensus d’un internet ouvert à tous fait donc son chemin

(Photo: Le fondateur de facebook Mark Zuckerberg quitte l'Elysée après une rencontre avec Nicolas Sarkozy, le 25 mai 2011)

Le fondateur de Facebook a été la grande attraction en clôture de 48 heures de débats. Interrogé par Maurice Levy*, publicitaire rodé et organisateur de la manifestation, le jeune patron milliardaire de 27 ans a fait l’objet d’une attention toute particulière en ayant la possibilité de s’exprimer pendant une heure. Comme d’habitude vêtu très simplement (tee-shirt, jean et baskets), il n’a fait aucun déclaration fracassante. Il a toutefois tenu à minimiser le rôle de son réseau social lors des révolutions arabes. « Facebook n’a été ni nécessaire, ni suffisant (pour faire la révolution, NDLR), a-t-il dit. Ce qui l’a été, ce sont des populations qui se sont prises en main ». Un peu plus tôt dans la journée, il avait revêtu veste et cravate pour être reçu au Palais de l’Elysée par Nicolas Sarkozy (Photo AFP). « C’était marrant », a-t-il ensuite confié.

« Il serait particulièrement arrogant pour une entreprise de technologie de revendiquer un rôle dans les mouvements de protestation », a-t-il ajouté lors d’une intervention destinée à clore les débats menés au jardin parisien des Tuileries.
Son propos prend le contrepied de celui de Nicolas Sarkozy qui avait déclaré mardi en ouverture du forum qu’en « Tunisie comme en Egypte, de simples individus ont pu faire vaciller un pouvoir qui s’était totalement déconsidéré en constituant des barricades virtuelles et des rassemblements bien réels ». « L’opinion internationale a ainsi pu constater qu’internet était devenu, pour la liberté d’expression, un vecteur d’une puissance inédite », avait-il insisté. Plus concerné, M. Zuckerberg a précisé que « Facebook a peut-être contribué et apporté des outils, mais cela aurait pu être autre chose », ajoutant que son entreprise avait joué un rôle « beaucoup moins important que ce que disaient les journaux ».

A la toute fin des débats quasiment intégralement focalisés sur les aspects économiques du numérique, les organisateurs ont catalogué un ensemble de propositions qui doivent encore être peaufinées « dans l’avion » pour Deauville selon Maurice Levy. « Nous n’allons pas à Deauville avec un carnet de doléances, mais avec l’idée de faire partager une certaine vision et d’avoir un échange en direct », a déclaré Maurice Levy qui, en Normandie, sera accompagné de Mark Zuckerberg, Hiroshi Mikitani (Rakuten), Stéphane Richard (Orange-France Télécom), Eric Schmidt (Google) et le milliardaire russe Yuri Milner.
Invitée plus tôt dans la journée à donner sa « liste de souhaits », la commissaire européenne en charge des nouvelles technologies, Neelie Kroes, s’est félicitée du fait que c’était « la première fois qu’internet figurait au programme officiel du G8 ».

Cependant, « il ne suffit pas de mettre le sujet à l’agenda, il faut une mise en application dans la vie quotidienne », a-t-elle dit. Même si tout ne fait pas consensus entre tous les acteurs du web, les débats ont notamment relevé qu’internet constituait un « accélérateur de croissance pour l’économie » et que le rôle des gouvernements doit être « d’apporter aux citoyens l’accès à internet et d’en réguler le contenu ». « La gouvernance globale doit être basée sur la coopération car le business seul ne peut pas résoudre les problèmes », ont également jugé les organisateurs. En revanche, des membres de la société civile (ONG, associations et militants d’un net libre) ont fait connaître leur mécontentement de ne pas être suffisamment associés aux débats et invités à la dernière minute, perdus au milieu de dizaines de PDG.

Au cours d’une conférence de presse impromptue, Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans Frontières (RSF), s’est dit « extrêmement déçu » par la tournure des discussions. « Il faut défendre l’internet libre avant de penser à réguler les contenus. Les gouvernements du G8 doivent faire de la défense de l’internet leur priorité », a-t-il souligné, regrettant de surcroît que personne n’ait eu de mots pour les cyber-dissidents emprisonnés. Maurice Levy a répondu, si la manifestation devait se répéter comme de nombreux participants l’ont exprimé, qu’il donnerait alors une plus large part à l’ensemble des acteurs à l’avenir, et notamment à la société civile.

Les associations déplorent l’orientation exclusivement économique du e-G8

De la protection des données personnelles à l’accès universel et libre à internet, des sujets touchant à la vie privée et à l’usage citoyen n’ont pas été vraiment abordés au e-G8, ont dénoncé mercredi des ONG et des associations de défense des libertés et des consommateurs. En choisissant le thème de l’impact d’internet sur l’économie, Nicolas Sarkozy a oublié selon les organisations non gouvernementales et les associations le point de vue de la société civile. Plusieurs de ses représentants étaient toutefois présents à l’eG8 et ont pris la parole. Mais la Quadrature du Net, Reporters sans Frontières et des militants américains, ont déploré, au cours d’une conférence de presse improvisée, de ne pas être écoutés au cours des débats, jugeant avoir du mal à trouver leur place entre monde économique et gouvernements.

« On veut s’assurer que d’autres voix vont être entendues au cours de ce e-G8 », a ainsi assuré Susan Crawford de l’ICANN, l’organisme chargé de réglementer les noms de domaine de l’internet. « Des questions essentielles touchant aux libertés fondamentales, aux enjeux du traçage des personnes, au droit à l’oubli, ne seront donc pas évoquées » a pour sa part déploré la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) regrettant « l’absence de tout régulateur des données personnelles et de la vie privée ainsi que des associations de défense des libertés ou des consommateurs ». Pour elle, « aucune contradiction, aucun débat, ne seront donc organisés en la présence des responsables des plus grandes entreprises du web ».

La table-ronde sur la protection des données privées, a pourtant réuni des intervenants d’opinions différentes.
S’ils ont convenu que les leaders mondiaux devraient faire la distinction entre les données personnelles utiles à l’industrie, notamment la publicité, et celles dont la divulgation représente un réel danger, Steve Baker auteur de « The Numerati & Final Jeopardy » sur la bataille entre l’homme et la machine a ironisé sur le fait qu' »il faudrait faire le tri entre l’effrayant et le proprement terrifiant ». A quoi Alain Lévy, PDG de la société de publicité en ligne Weborama et fils du patron de Publicis, a rétorqué qu’il était favorable à « donner le contrôle de ses données à l’utilisateur », mais que cela ne devait pas favoriser Google et Facebook, qui sont les seules marques que le grand public connaisse, et dont il acceptera le « traçage ».

« Les intérêts des entreprises dominent les débats », a pour sa part déclaré Reagan MacDonald de l’ONG Access. « La programmation est fidèle à l’idée que se fait Nicolas Sarkozy d’un +internet civilisé+ », estime-t-elle. Pour l’association Renaissance Numérique, qui réunit chefs d’entreprises et chercheurs dans le domaine des nouvelles technologies, « ces discussions doivent inclure de jeunes start-upers, des think tanks, le monde académique, ainsi que les citoyens », analyse la co-présidente Christine Balagué.

Par ailleurs, ONG et associations ont critiqué le fait que les personnes choisies pour présenter les conclusions de ce forum aux chefs d’Etat et de gouvernements du G8 jeudi soient tous des représentants de grosses entreprises comme Rakuten, Orange-France Télécom, ou Google. Selon le New York Times, les membres du G8 ont de toute façon déjà décidé de lancer un appel pour un renforcement de la régulation sur internet.

* Maurice Lévy, Pdg de l’agence Publicis, Digitas et co-organisateur du premier e-G8 :
https://www.domoclick.com/?p=2148

Domoclick.com et l’AFP

Weborama:
http://weborama.com/2/

RSF, Reporter-sans-frontieres:
http://fr.rsf.org/une-trentaine-d-ong-interpellent-25-05-2011,40346.html

e-G8, NOUVEAU MONDE, NOUVELLES IDEES/
http://www.eg8forum.com/fr

Mark Zuckerberg : « Facebook devrait être autorisé aux enfants de moins de 13 ans »:
http://www.presse-citron.net/mark-zuckerberg-facebook-devrait-etre-autorise-aux-enfants-de-moins-de-13-ans?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+Pressecitron+%28Presse-citron+-+Le+blog%29