Près de deux mois après le début du mouvement de contestation sociale des « gilets jaunes », la « lettre aux Français » d’Emmanuel Macron, rendue publique par l’Elysée dimanche 13 janvier, a pour objectif de cadrer les enjeux du grand débat national qui s’ouvre ce mardi 15 et s’achèvera le 15 mars 2019.  » La transition écologique est le troisième thème (parmi quatre), essentiel à notre avenir écrit le .Je me suis en­gagé sur des objectifs de préservation de la biodi­versité et de lutte contre le réchauffement clima­tique et la pollution de l’air ». Et de conclure, C’est ainsi que j’entends transformer avec vous les colères en solutions. Texte intégral et officiel !!

Edition La Dépêche du 14 janvier 2019

« Chères Françaises, chers Français, mes chers compatriotes,
Dans une période d’interrogations et d’incerti­ tudes comme celle que nous traversons, nous de­ vons nous rappeler qui nous sommes. La France n’est pas un pays comme les autres. Le sens des injustices y est plus vif qu’ailleurs. L’exigence d’entraide et de solidarité plus forte. Chez nous, ceux qui travaillent financent les pensions des retraités. Chez nous, un grand nombre de ci­ toyens paie un impôt sur le revenu, parfois lourd, qui réduit les inégalités. Chez nous, l’édu­ cation, la santé, la sécurité, la justice sont accessi­ bles à tous indépendamment de la situation et de la fortune. Les aléas de la vie, comme le chô­mage, peuvent être surmontés, grâce à l’effort partagé par tous.

C’est pourquoi la France est, de toutes les na­ tions, une des plus fraternelles et des plus égali­ taires. C’est aussi une des plus libres, puisque chacun est protégé dans ses droits et dans sa li­ berté d’opinion, de conscience, de croyance ou de philosophie. Et chaque citoyen a le droit de choisir celles et ceux qui porteront sa voix dans la conduite du pays, dans la conception des lois, dans les grandes décisions à prendre. Chacun partage le destin des autres et chacun est appelé à décider du destin de tous : c’est tout cela, la na­ tion française.

Comment ne pas éprouver la fierté d’être fran­çais? Je sais, bien sûr, que certains d’entre nous sont aujourd’hui insatisfaits ou en colère. Parce que les impôts sont pour eux trop élevés, les ser­ vices publics trop éloignés, parce que les salaires sont trop faibles pour que certains puissent vi­ vre dignement du fruit de leur travail, parce que notre pays n’offre pas les mêmes chances de réussir selon le lieu ou la famille d’où l’on vient. Tous voudraient un pays plus prospère et une société plus juste.
de travail. En France, mais aussi en Europe et dans le monde, non seulement une grande inquiétude, mais aussi un grand trouble ont gagné les esprits. Il nous faut y répondre par des idées claires. Mais il y a pour cela une condition :n’ac­cepter aucune forme de violence. Je n’ac­cepte pas, et n’ai pas le droit d’accepter la pres­ sion et l’insulte, par exemple sur les élus du peu­ ple, je n’accepte pas et n’ai pas le droit d’accepter la mise en accusation générale, par exemple des médias, des journalistes, des institutions et des fonctionnaires. Si tout le monde agresse tout le monde, la société se défait!

Afin que les espérances dominent les peurs, il est nécessaire et légitime que nous nous repo­ sions ensemble les grandes questions de notre avenir. C’est pourquoi j’ai proposé et je lance aujourd’hui un grand débat national qui se dé­ roulera jusqu’au 15 mars prochain. Depuis quel­ ques semaines, de nombreux maires ont ouvert leurs mairies pour que vous puissiez y exprimer vos attentes. J’ai eu de nombreux retours que j’ai pu prendre en compte. Nous allons désormais entrer dans une phase plus ample et vous pour­ rez participer à des débats près de chez vous ou
vous exprimer sur Internet pour faire valoir vos propositions et vos idées. Dans l’Hexagone, outre­mer et auprès des Français résidant à l’étranger. Dans les villages, les bourgs, les quar­ tiers, à l’initiative des maires, des élus, des res­ ponsables associatifs, ou de simples citoyens… Dans les assemblées parlementaires comme ré­ gionales ou départementales.
Les maires auront un rôle essentiel, car ils sont vos élus et donc l’intermédiaire légitime de l’ex­pression des citoyens. Pour moi, il n’y a pas de questions interdites. Nous ne serons pas d’ac­cord sur tout, c’est normal, c’est la démocratie. Mais au moins montrerons­ nous que nous som­mes un peuple qui n’a pas peur de parler, d’échanger, de débattre. Et peut­être découvri­rons ­nous que nous pouvons tomber d’accord, majoritairement, au­delà de nos préférences, plus souvent qu’on ne le croit.

Je n’ai pas oublié que j’ai été élu sur un projet, sur de grandes orientations auxquelles je de­ meure fidèle. Je pense toujours qu’il faut rendre à la France sa prospérité pour qu’elle puisse être généreuse, car l’un va avec l’autre. Je pense tou­ jours que la lutte contre le chômage doit être no­ tre grande priorité, et que l’emploi se crée avant tout dans les entreprises, qu’il faut donc leur donner les moyens de se développer. Je pense toujours qu’il faut rebâtir une école de la con­ fiance, un système social rénové pour mieux protéger les Français et réduire les inégalités à la racine. Je pense toujours que l’épuisement des ressources naturelles et le dérèglement climati­ que nous obligent à repenser notre modèle de développement. Nous devons inventer un projet productif, social, éducatif, environnemental et européen nouveau, plus juste et plus efficace. Sur ces grandes orientations, ma détermination n’a pas changé.

Mais je pense aussi que de ce débat peut sortir une clarification de notre projet national et euro­ péen, de nouvelles manières d’envisager l’avenir, de nouvelles idées. A ce débat, je souhaite que le plus grand nombre de Français, le plus grand nombre d’entre nous, puisse participer. Ce débat devra répondre à des questions essentielles qui ont émergé ces dernières semaines. C’est pour­ quoi, avec le gouvernement, nous avons retenu quatre grands thèmes qui couvrent beaucoup des grands enjeux de la Nation: la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’Etat et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté. Sur chacun de ces thèmes, des propositions, des questions sont d’ores et déjà exprimées. Je souhaite en formuler quelques­unes qui n’épuisent pas le débat mais me semblent au cœur de nos interrogations.

Le premier sujet porte sur nos impôts, nos dé­penses et l’action publique. L’impôt est au cœur de notre solidarité nationale. C’est lui qui fi­nance nos services publics. Il vient rémunérer les professeurs, pompiers, policiers, militaires, ma­ gistrats, infirmières et tous les fonctionnaires qui œuvrent à votre service. Il permet de verser aux plus fragiles des prestations sociales mais aussi de financer certains grands projets d’ave­ nir, notre recherche, notre culture, ou d’entrete­ nir nos infrastructures. C’est aussi l’impôt qui permet de régler les intérêts de la dette très im­ portante que notre pays a contractée au fil du temps.
Mais l’impôt, lorsqu’il est trop élevé, prive no­tre économie des ressources qui pourraient
uti­lement s’investir dans les entreprises, créant ainsi de l’emploi et de la croissance. Et il prive les travailleurs du fruit de leurs efforts. Nous ne re­ viendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d’encourager l’in­ vestissement et faire que le travail paie davan­ tage. Elles viennent d’être votées et commencent à peine à livrer leurs effets. Le Parlement les éva­ luera de manière transparente et avec le recul in­ dispensable. Nous devons en revanche nous in­ terroger pour aller plus loin.

Comment pourrait­on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace? Quels impôts faut­il à vos yeux baisser en priorité? Nous ne pouvons, quoi qu’il en soit, poursuivre les baisses d’impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique. Quelles sont les économies qui vous semblent prioritaires à faire ? Faut­il supprimer certains services publics qui seraient dépassés
ou trop chers par rapport à leur utilité? A l’in­ verse, voyez­vous des besoins nouveaux de ser­ vices publics et comment les financer ?
Notre modèle social est aussi mis en cause. Certains le jugent insuffisant, d’autres trop cher en raison des cotisations qu’ils paient. L’effica­ cité de la formation comme des services de l’emploi est souvent critiquée. Le gouverne­ ment a commencé à y répondre, après de larges concertations, à travers une stratégie pour no­ tre santé, pour lutter contre la pauvreté, et pour lutter contre le chômage. Comment mieux or­ ganiser notre pacte social? Quels objectifs défi­nir en priorité ?

Le deuxième sujet sur lequel nous devons prendre des décisions, c’est l’organisation de l’Etat et des collectivités publiques.

Les servi­ces publics ont un coût, mais ils sont vitaux: école, police, armée, hôpitaux, tribunaux sont indispensables à notre cohésion sociale. Y a ­t ­il trop d’échelons administratifs ou de niveaux de collectivités locales ? Faut­il renforcer la décen­tralisation et donner plus de pouvoir de déci­ sion et d’action au plus près des citoyens? A quels niveaux et pour quels services ? Comment voudriez­vous que l’Etat soit organisé et com­ ment peut­il améliorer son action? Faut­il re­ voir le fonctionnement de l’administration et comment ? Comment l’Etat et les collectivités locales peuvent­ils s’améliorer pour mieux ré­pondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté, et que proposez ­vous ?

La transition écologique est le troisième thème, essentiel à notre avenir. Je me suis en­gagé sur des objectifs de préservation de la biodi­versité et de lutte contre le réchauffement clima­tique et la pollution de l’air. Aujourd’hui per­sonne ne conteste l’impérieuse nécessité d’agir vite. Plus nous tardons à nous remettre en cause, plus ces transformations seront douloureuses. Faire la transition écologique permet de réduire les dépenses contraintes des ménages en carbu­ rant, en chauffage, en gestion des déchets et en transports. Mais pour réussir cette transition, il faut investir massivement et accompagner nos concitoyens les plus modestes. Une solidarité nationale est nécessaire pour que tous les Fran­ çais puissent y parvenir. Comment finance­ t ­on la transition écologique: par l’impôt, par les taxes et qui doit être concerné en priorité ?

Comment rend­on les solutions concrètes ac­cessibles à tous, par exemple pour remplacer sa vieille chaudière ou sa vieille voiture? Quelles sont les solutions les plus simples et les plus sup­ portables sur un plan financier? Quelles sont les solutions pour se déplacer, se loger, se chauffer, se nourrir qui doivent être conçues plutôt au ni­ veau local que national ? Quelles propositions concrètes feriez­vous pour accélérer notre transi­ tion environnementale ? La question de la biodi­versité se pose aussi à nous tous. Comment de­ vons­nous garantir scientifiquement les choix que nous devons faire à cet égard? Comment faire partager ces choix à l’échelon européen et international pour que nos producteurs ne soient pas pénalisés par rapport à leurs concur­ rents étrangers ?

Enfin, il est évident que la période que notre pays traverse montre qu’il nous faut redon­ner plus de force à la démocratie et à la ci­toyenneté. Etre citoyen, c’est contribuer à déci­ der de l’avenir du pays par l’élection de représen­ tants à l’échelon local, national ou européen. Ce système de représentation est le socle de notre République, mais il doit être amélioré, car beau­ coup ne se sentent pas représentés à l’issue des élections. Faut­il reconnaître le vote blanc ? Faut­il rendre le vote obligatoire? Quelle est la bonne dose de proportionnelle aux élections lé­ gislatives pour une représentation plus juste de tous les projets politiques ? Faut ­il, et dans quel­ les proportions, limiter le nombre de parlemen­ taires ou autres catégories d’élus ?

Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental, doivent­elles jouer pour représenter nos territoi­ res et la société civile? Faut­il les transformer et comment ? En outre, une grande démocratie comme la France doit être en mesure d’écouter plus souvent la voix de ses citoyens. Quelles évo­lutions souhaitez­ vous pour rendre la participa­ tion citoyenne plus active, la démocratie plus participative ? Faut ­il associer davantage et di­rectement des citoyens non élus, par exemple ti­ rés au sort, à la décision publique ? Faut­il accroî­ tre le recours aux référendums et qui doit en avoir l’initiative ?

La citoyenneté, c’est aussi le fait de vivre en­ semble. Notre pays a toujours su accueillir ceux qui ont fui les guerres, les persécutions et ont cherché refuge sur notre sol: c’est le devoir de l’asile, qui ne saurait être remis en cause. Notre communauté nationale s’est aussi toujours ouverte à ceux qui, nés ailleurs, ont fait le choix de la France, à la recherche d’un avenir meilleur : c’est comme cela qu’elle s’est aussi construite. Or, cette tradition est aujourd’hui bousculée par des tensions et des doutes liés à l’immigration et aux défaillances de notre système d’intégration. Que proposez­vous pour améliorer l’intégration dans notre Nation ? En matière d’immigration, une fois nos obligations d’asile remplies, souhaitez­ vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par
La question de la laïcité est toujours DE BÂTIR UN NOUVEAU CONTRAT POUR LA NATION, DE STRUCTURER
Cette impatience, je la partage. La société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir on ne devrait pas avoir besoin de relations ou de for­ tune, mais d’effort et
tions différentes, re­ ligieuses ou philoso­phiques. Elle est sy­nonyme de liberté parce qu’elle permet à chacun de vivre selon ses choix. Comment renforcer les principes de la laï­cité française, dans le rapport entre l’Etat et les re­ ligions de notre pays? Comment garantir le res­ pect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?

Dans les semaines qui viennent, je vous invite à débattre pour répondre à ces questions détermi­nantes pour l’avenir de notre Nation. Je souhaite aussi que vous puissiez, au­delà de ces sujets que je vous propose, évoquer n’importe quel sujet concret dont vous auriez l’impression qu’il pour­ rait améliorer votre existence au quotidien. Ce débat est une initiative inédite dont j’ai la ferme volonté de tirer toutes les conclusions. Ce n’est ni une élection ni un référendum. C’est vo­tre expression personnelle, correspondant à vo­ tre histoire, à vos opinions, à vos priorités, qui est ici requise, sans distinction d’âge ni de condition sociale. C’est, je crois, un grand pas en avant pour notre République que de consulter ainsi ses ci­ toyens. Pour garantir votre liberté de parole, je veux que cette consultation soit organisée en toute indépendance, et soit encadrée par toutes les garanties de loyauté et de transparence.

C’est ainsi que j’entends transformer avec vous les colères en solutions. Vos propositions permettront donc de bâtir un nouveau contrat pour la Nation, de structurer l’action du
gouver­nement et du Parlement, mais aussi les posi­tions de la France aux niveaux européen et in­ ternational. Je vous en rendrai compte directe­ ment dans le mois qui suivra la fin du débat. Françaises, Français, je souhaite que le plus grand nombre d’entre vous puisse participer à ce grand débat afin de faire œuvre utile pour l’avenir de notre pays.
En confiance ».

Emmanuel Macron
Président de la République

Comment participer au GRAND DEBAT NATIONAL:
https://www.gouvernement.fr/le-grand-debat-national

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