« Nous sommes la dernière génération à pouvoir agir » dans la lutte contre le réchauffement climatique, lançait vendredi 5 juin à Marseille le ministre des Affaires étrangères en clôture d’un forum sur le climat, à six mois de la conférence COP21 de Paris. Un cri de mobilisation citoyenne autant que politique qui résonne bien en ce 2ème jour de canicule en France. Mi-juin, un tribunal néerlandais a ordonné à l’Etat de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le pays de 25% d’ici à 2020, une première qui pourrait servir de référence à de nombreux militants à travers le monde.
« Il y a aujourd’hui de puissantes raisons d’être inquiets et des raisons d’être optimistes » déclarait le ministre, qui présidera en décembre le sommet parisien, rappelant notamment le « grand scepticisme » qui entourait la question du réchauffement climatique il y a encore quelques années. »Ce débat n’existe plus, sauf peut-être dans tel ou tel pays (…): évidemment, ça, ça change complètement les choses », a-t-il poursuivi. Mais « la situation s’est détériorée, elle est beaucoup plus grave », a encore ajouté le chef de la diplomatie française.
« Nous sommes la première génération à en avoir pleinement conscience, mais la dernière génération qui puisse agir », a-t-il encore martelé au cours de son discours de clôture du forum MedCop21, organisé jeudi et vendredi à Marseille par la région Paca.
Saluant les travaux réalisés au cours de ce forum centré sur la question du climat en Méditerranée et accueillant essentiellement des représentants de la société civile, le ministre a également mis en avant « la responsabilité très grande » des pays riches dans la préparation du sommet de Paris. « Il est évident qu’un des déterminants du succès de la COP est de savoir s’il y aura un engagement suffisant des pays riches », a-t-il déclaré, les appelant à « donner un sentiment de confiance à tous les pays du monde pour avancer ».
« C’est une grande bataille, et on ne sait pas quelle en sera l’issue », a-t-il encore poursuivi: « Objectivement, on sait que c’est dans cette direction qu’il faut aller ».En conclusion de leur forum, les participants à la MedCop21, dont la prochaine édition pourrait avoir lieu dans un an au Maroc, ont adopté une déclaration appelant notamment à « considérer la Méditerranée de manière particulière » dans les négociations internationales sur le climat.
Ils ont également élaboré de nouvelles propositions intégrées à un « agenda des solutions », qui suggère notamment d’organiser une MedCop chaque année ou de créer un groupe d’experts sur les changements climatiques en Méditerranée.Un catalogue regroupant 133 « bonnes pratiques » en fait également partie.
Pays-Bas: la justice ordonne de réduire les émissions de gaz à effet de serre
Un tribunal néerlandais a ordonné à l’Etat de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le pays de 25% d’ici à 2020, une première qui pourrait servir de référence à de nombreux militants à travers le monde.
« Le tribunal ordonne à l’Etat de limiter son volume total de gaz à effet de serre de manière à le réduire d’au moins 25% en 2020 par rapport à 1990 », a déclaré le juge Hans Hofhuis lors d’une audience publique au tribunal de La Haye, alors que des applaudissements éclataient dans la salle. Quelque 900 Néerlandais avaient entamé une action en justice en avril contre leur gouvernement avec l’aide de l’ONG Urgenda, active dans la défense de l’environnement.Les citoyens, qui demandaient que La Haye prenne des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre aux Pays-Bas de 40% d’ici à 2020, par rapport aux niveaux de 1990, espèrent que cette décision servira de base pour d’autres actions en justice à travers le monde.
« Tout le monde est d’accord pour dire que la gravité et l’ampleur du problème climatique rendent nécessaire l’adoption de mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre », a indiqué le tribunal dans son jugement.
« Sur la base de la politique actuelle de l’Etat, les Pays-Bas auront réduit leurs émissions de 17% en 2020 : cela est sous la norme de 25 à 40% que les scientifiques et les politiques internationales estiment nécessaire pour les pays industrialisés », a assuré le tribunal.
L’Etat, qui a assuré à l’AFP « examiner le jugement », doit donc « faire plus pour contrer le danger imminent causé par le changement climatique, étant donné son devoir de protection de l’environnement », a indiqué la même source.
Le contrôle des émissions est l’une des tâches de l’Etat, a estimé la justice, soulignant que les coûts de ces réductions ne seraient pas « inconcevablement élevés ».
– ‘Pour mes enfants et petits-enfants’ –
Marjan Minnesam, la directrice de l’ONG Urgenda, a qualifié la décision de « première mondiale ».
« Jamais auparavant un Etat n’avait été amené devant la justice ainsi », a-t-elle déclaré aux journalistes dans la salle d’audience. »Cela a créé un précédent », a-t-elle ajouté, exprimant l’espoir qu’il « sera suivi à travers le monde ». »Des millions de personnes qui subissent déjà les conséquences du changement climatique espèrent que nous, les personnes responsables des émissions et qui en ont les moyens, allons intervenir à temps », a-t-elle ajouté dans un communiqué.
Pour Wendel Trio, le directeur du réseau européen pour l’action climatique, « ce verdict est un jalon dans l’histoire de la législation sur le climat, car c’est la première fois qu’un gouvernement est ordonné de relever ses ambitions climatiques par un tribunal ». Il a estimé que l’objectif fixé par le tribunal « n’est pas trop difficile » : « les objectifs devraient être beaucoup plus élevés que 25% pour être en ligne avec ce qui est vraiment nécessaire pour s’attaquer au changement climatique ».
Pour Bill Hare, le directeur de Climate Analytics, un institut de sciences et politiques climatiques, « les marchés financiers s’inquiètent de plus en plus des risques de pertes financières pour les sociétés qui utilisent beaucoup d’énergies fossiles ».Sharon Ceha, qui travaille pour Urgenda, a affirmé à l’AFP que cette action était surtout destinée « à mes enfants et mes petits-enfants ».La communauté internationale s’est fixée pour objectif de limiter à 2°C la hausse des températures mondiales par rapport à l’ère pré-industrielle. En vue du tout premier accord universel sur le climat espéré en décembre à Paris, les Etats sont invités à rendre publics des engagements nationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les 28 pays de l’UE a fait part de son intention de réduire ses émissions de 40% en 2030 par rapport à 1990, tandis que les Etats-Unis, 2e plus gros émetteur derrière la Chine, veulent les réduire de 26 à 28% entre 2005 et 2025.
Domoclick.com avec Jan HENNOP pour l’AFP