C’est l’économiste star** du moment. 
On le voit un peu partout, sur les plateaux de BFM TV comme sur la scène des grands colloques. Son discours, décalé, moderne 
et rafraîchissant, n’aura pas échappé aux grandes voix de l’immobilier. Pour Business Immo, il livre son regard sur l’ubérisation 
de l’économie en général et de l’immobilier 
en particulier. Accrochez-vous…

Publié par Business Immo le 30.11.2015

Business Immo : Quelle est votre propre 
définition de l’ubérisation ? Et jusqu’où va 
l’ubérisation de l’économie ? 
Tous les secteurs sont-ils concernés ? 

-Nicolas Bouzou : L’ubérisation n’est rien d’autre qu’un avatar d’une révolution industrielle plus large ou de quatre révolutions à la fois : celle des NBIC (N pour nanotechnologies, B pour biotech, I pour information digitale et C pour sciences cognitives). Toutes les entreprises dont on parle – Uber mais aussi Airbnb, Tesla, Netflix… – sont nées de ces NBIC et de la génération des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon).
Cette nouvelle révolution industrielle s’incarne par l’apparition d’innovations multi-usages qui vont transformer l’organisation de l’économie en profondeur.
La mutation économique est un fait civilisationnel qui part de l’économie mais impacte ensuite la société, la politique, le culturel… Je prends souvent l’exemple du roman « Au bonheur des dames » d’Émile Zola, qui raconte comment la distribution des vêtements au travers du grand magasin a été modifiée par l’essor du chemin de fer. 
L’ubérisation d’un secteur d’activité a des implications bien au-delà de son secteur d’origine. Toutes les industries peuvent être ubérisées à des degrés divers. Prenez Airbnb… Le secteur de l’hôtellerie n’était pas, sur le papier, le plus facilement ubérisable. Et pourtant…
Dans ces périodes de destruction créatrice de valeur, il est important de rester fort sur ses valeurs. 99 % de la société va changer et parmi les 1 % qui ne doivent pas changer, il reste l’esthétique de nos villes. Entendons-nous bien : avec cette 4e révolution industrielle, ce n’est pas un nouveau monde qui arrive mais c’est un monde qui doit en remplacer un autre. Or, la destruction d’un monde a toujours quelque chose d’inquiétant et de fascinant.



BI : Quels sont les risques et les opportunités 
pour la France ?


-NB : Comme dans toute révolution industrielle, on peut voir émerger deux faces : les ubérisés et les ubérisateurs. Les opportunités de développement et de création de richesses sont infinies pour les nouveaux entrants. En regard, les risques de destruction de modèles sont élevés pour les entreprises qui n’ont pas fait leur révolution. La vraie question, c’est plutôt dans quelle mesure certaines structures peuvent en ubériser d’autres.
De ce point de vue, la France n’est pas très bien placée car, en dépit d’un fort terreau entrepreneurial qui a tendance à s’exporter quand il réussit, nous n’avons pas envie d’entrer dans cette modernité-là. Notre réglementation, notre fiscalité et notre politique économique, basées plus sur la protection que sur la création nette d’emplois, ne favorisent pas l’émergence d’entreprises uberisatrices. N’oublions pas que nous restons, dans les mentalités, le pays de l’idéologie des 35 heures et de la taxe à 75 %. 
En conséquence, le risque de voir de nombreuses entreprises ubérisées est plus grand en France. D’ailleurs, les majors de l’ubérisation – à l’exception de BlaBlaCar ou de vente-privée, peut-être – ne sont pas Français mais principalement Anglo-saxons. Or, pour peser, il faut en avoir un certain nombre, car ces entreprises qui ubérisent l’économie ne sont rien d’autre que les sociétés du CAC 40 de demain. Ce sont les Saint-Gobain ou les GE de l’avenir.



BI : L’immobilier est-elle une industrie ubérisable,
notamment en France ? Et jusqu’où l’ubérisation 
peut-elle aller ?


-NB : Comme je vous le disais, tous les secteurs d’activité sont uberisables. L’immobilier ne peut pas échapper à ce mouvement de fond. On peut même affirmer que l’immobilier est au cœur de cette mutation avec deux spécificités : un jeu de renvoi entre l’économie et l’immobilier, une drôle de dialectique puisque, par nature, l’immobilier est une industrie… immobile qui doit devenir mobile.
Prenons les deux bouts de la chaîne immobilière : la construction de logements, par exemple, et les agents immobiliers. En Asie, les promoteurs construisent à bas coût grâce, notamment, à l’imprimante 3D et aux nouvelles technologies. Grâce à ces dernières, certains opérateurs de grid cities imaginent même donner des logements et se faire rémunérer par la vente de services associés. La construction, qui reste une industrie très matérielle, est donc parfaitement ubérisable. La valeur de l’immobilier, ce n’est plus le bâtiment mais les objets connectés et les énergies que l’on met dedans. Si Google annonce que demain, elle va vendre des maisons à 5 000 $, il faut la croire.
Par ailleurs, les agents immobiliers sont sans doute les plus exposés au risque de désintermédiation. La France, même si son modèle culturel assez conservateur n’est pas nécessairement compatible avec cette tendance, est très mise en danger. L’Hexagone, qui jouit d’une longue et riche tradition hôtelière, est devenu le 2e pays Airbnb. Les Français ont une certaine capacité à accepter le changement en dépit de freins solides. 



« Les bureaux de demain seront d’abord à la maison, qui redevient 
un lieu de production »
BI : Compte-tenu de la révolution 
de l’environnement de travail, l’immobilier tertiaire vous paraît-il un univers plus ubérisable ? 

-NB : La sphère de l’immobilier tertiaire va profondément changer dans les quinze années qui viennent. La mutation des modes et des espaces de travail sous l’effet de la révolution des NBIC a d’ailleurs déjà commencé. L’essor du travail indépendant et du télétravail se traduira nécessairement par une révolution des magasins, des bureaux, des hôpitaux. Même les usines et les entrepôts – moins facilement ubérisables car nous aurons toujours besoin de stocker pour consommer – seront impactés. Je travaille beaucoup, en ce moment, sur l’hôpital du futur. Un hôpital sans lits, donc avec beaucoup moins d’immobilier mais plus de technologie. Nous avons besoin d’un nouvel immobilier de bureaux.


BI : Voyez-vous des atouts à une ubérisation 
de l’immobilier ?



Lire la SUITE de l’Interview sur BUSINESS IMMO:
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Interview recueillis par Sandra Roumi, Rédactrice-en-chef de Business Immo

** Nicolas BOUZOU est directeur et fondateur d’Asterès:

Domoclick.com

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