2éme partie de l’interview* avec Jean-Pierre OLIVA. maître d’oeuvre,pionnier dans le domaine de l’architecture écologique et conférencier au verbe vif, auteur de plusieurs ouvrages sur l’isolation, il dégage la piste des solutions vécues en rénovation et se sent prêt à « tirer les oreilles » du ministre. Sa vision réaliste rassure, préférant le « low-tech » sans gadgets techniques coûteux à l’achat et à l’entretien. Il affirme notamment « Je ne suis pas pour le concept de PassivHaus, mais reste d’accord pour qu’on se fixe l’objectif de 15 kWh/m2/an (1,5 litre de fuel/m2/an) ». Formateur lui-même, il souhaiterait que les formations des artisans soient obligatoires car un chantier de rénovation engage les maîtres d’ouvrages pour des dizaines d’années. Interview et mots d’auteur haut en couleurs !

Jean-Pierre Oliva (à gauche) sur son terrain favori, les chantiers avec ses amis, ses élèves ou les perfectionnistes de l'isolation.

-Domoclick.com : Les matériaux écologiques sont-ils certifiés pour être adoptés sans souci d’être contredit par l’assurance ?

-Jean-Pierre Oliva : Oui, ils sont maintenant certifiés et ils ont été mis au point en Allemagne et en Europe du Nord depuis plus de dix ans. Ils ont satisfait tous les tests sur lesquels on a donc pas mal de recul. Et ils sont maintenant admis en France par les assurances.

Que pensez-vous de l’apport de la VMC (ventilation mécanique contrôlée) dans le contrôle thermique de nos maisons ?

-JPO : Il faut savoir que dans la maison ancienne, la ventilation se fait souvent par défaut d’étanchéité, au niveau des fenêtres, des conduits de fumée qui permettent à l’air intérieur de se renouveler. Exemple, quand on change les fenêtres, on obtient une bonne étanchéité à l’air** et on modifie les échanges thermiques entre l’intérieur et l’extérieur, ce qui oblige à installer une bonne ventilation. Dans le cas d’un simple vitrage, une fenêtre est une paroi froide sur laquelle vient se condenser l’humidité atmosphérique de l’intérieur. Donc, un simple vitrage abaisse le taux d’humidité de l’air intérieur pour créer une régulation. Si maintenant j’ai un vitrage plus chaud avec un vitrage de bonne qualité thermique, je n’aurais plus de condensation sur les vitres mais l’air humide va se diffuser dans les parois et va se condenser ailleurs. Voilà comment on modifie l’équilibre hygrométrique en changeant les fenêtres.

Quels sont les cas où la VMC peut se justifier dans l’habitat ancien ?

– JPO: Aujourd’hui, la VMC double flux avec récupération de chaleur, ce n’est pas toujours possible dans l’ancien mais elle est efficace seulement là où il y a une très bonne étanchéité à l’air. Très difficile à réaliser en réhabilitation, si le rendement de l’échangeur baisse considérablement parce qu’il ne récupère pas les calories de l’air qui a été extrait. La VMC hygroréglable de type B, avec des sondes thermiques, va s’adapter au taux d’humidité intérieure. Autrement dit, elle n’extrait l’air intérieure seulement quand l’humidité dépasse un certain seuil. C’est un compromis. Pour conclure, il faut installer une ventilation dès qu’on entreprend de modifier l’étanchéité à l’air d’un bâtiment.

Avec les résultats incohérents des DPE, la formation des diagnostiqueurs va être modifié par le ministère à partir de 2012 . Quelles autres suggestions faire à Mme la ministre NKM ?

-JPO : A Madame la ministre ? D’abord, je lui tirerai les oreilles ! (rires), je lui rappellerai un vieux principe paysan ; de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Parce que cette étiquette énergétique DPE devrait venir avant une formation de tous les professionnels qui vont intervenir pour améliorer la performance thermique. On propose aux gens que leur construction n’est pas performante et les entreprises ne sont pas formés. Il faudrait instituer un programme de formation à grande échelle. Et pas seulement par les deux fédérations, la FFB ou la CAPEB qui ne concernent que quelques % de professionnels . Elle devrait être obligatoire car un chantier de rénovation engage les maîtres d’ouvrages pour des dizaines d’années. Quand on voit le prix que ça coûte et que les travaux sont mal faits , ça nuit à la pérennité du bâtiment, c’est quand même un énorme gaspillage.

Votre commentaire sur le Grenelle de l’environnement qui a trois ans ?

-JPO : Oui, « l’environnement, ça commence à bien faire » (rires). En fait, trois ans après, il n’en reste quasiment plus rien. D’abord, on a éludé des problèmes très importants comme l’industrie nucléaire*.Mais le point positif du Grenelle est la forte mobilisation de la population aux problèmes de performances énergétiques. Le revers de la médaille c’est d’avoir l’impression d’avoir débattu sans avoir apporté de solutions. On a l’impression qu’en France , aujourd’hui, on est performant au point de vie thermique alors que c’est complètement faux ! Souvent, je dis, pour enterrer un sujet, créer une commission. Maintenant je dis, si vous voulez enterrer un sujet, faites un Grenelle ! Comme ça tout le monde croira que le problème est réglé, en continuant sur les mêmes pratiques.

Pourtant, au niveau international, on se mobilise vers une énergie décarbonné, oui ou non ?

-JPO : Si on regarde le nucléaire, c’est absolument pas une énergie décarbonné. Pour son développement, la filière a favorisé le tout-électrique dont le chauffage électrique. C’est une solution complètement aberrante du point de vue économique. L’effet Joule c’est vraiment une déperdition de l’électricité. Du fait qu’en France on ait généralisé l’électricité, en hiver avec les pics de consommation , on s’adresse aux vieilles centrales au fuel ou au charbon qui sont extrêmement productrices de gaz à effet de serre. C’est un cercle vicieux qui ne fait pas une énergie décarbonné.

L’application de la nouvelle Réglementation Thermique RT 2012, obligatoire à partir du 1er janvier 2013 pour la maison individuelle met sur orbite le label Effinergie. Parallèlement , il y a de plus en plus d’adeptes de la maison passive. Qu’en pensez-vous ?

-JPO : La maison passive, on peut la comprendre de deux façons. Elle provient d’un concept Allemand, PassivHaus, avec des techniques high-tech très développés en Europe du Nord qui sont pas forcément à notre portée en France, et pour lesquelles on n’est pas encore culturellement mûr. Peut-être jamais ! Par contre, il y a le niveau de consommation de la maison passive , consommer moins de 15 kWh/m2/an, qui est un objectif qu’il faudrait atteindre pour toutes constructions neuves. Nous devrions nous fixer ce niveau de consommation de type passif, mais peut-être par d’autres moyens que ceux de l’Europe du Nord, avec moins de high-tech et plus de solutions de bon sens. Plus de bio-climatisme avec des constructions bien orientés au Sud pour capter plus de rayonnement solaire. Parce que nous avons en France des solutions faciles à mettre en œuvre avec notre climat plus doux qu’en Europe du Nord.

Après la RT 2012, il y aura la RT 2020, la maison passive brouille un peu les repères ?

-JPO : Je ne suis pas pour le concept de PassivHaus, mais d’accord pour qu’on se fixe comme plafond, ce fameux objectif de 15 kWh/m2/an. Plus concrètement, 10 kWh égale 1 litre de fuel et 15 kWh c’est donc 1,5 litre de fuel par m2 et par an. Avec une maison de 100m2, ce serait 150 litres de fuel par an pour les besoins de chauffage. Une maison de 200m2 c’est 1500 litres, c’est à dire dix fois moins ! C’est donc un facteur dix qu’il faudrait appliquer. Et cela, on sait le faire, quasiment sans surcoût, avec du bon sens en amont, avec une bonne conception, une bonne architecture adaptée et on y arrive relativement facilement. Dans le neuf mais aussi en rénovation, les Autrichiens y arrivent pour les bâtiments collectifs des années 50 avec l’isolation extérieure, ils arrivent à 10 kWh/m2/an.

Vous habitez dans une maison en bois ou en paille, à quelle altitude ?

-JPO : Je ne suis pas forcément un bon exemple parce que je suis locataire. Je ne peux pas faire les transformations que j’aimerais bien à cause du propriétaire. Par exemple, j’ai un immense balcon au Sud, j’aurai bien fait une serre bioclimatique sur une partie et j’aurai ainsi divisé par deux mes consommations. Cela aurait donné de la valeur à cette maison qui est ancienne avec un certain charme. Justement, je travaille pour des particuliers qui ont des projets de réhabilitation et qui installe des verrières bioclimatique dans l’ancien avec des extensions vers le Sud. Elles permettent des apports solaire de deux façons : De façon directe en ouvrant les portes et fenêtres de la maison qui donnent sur la verrière, et également par conduction pendant la journée le mur se réchauffe pour que le soir les calories rayonnent vers l’intérieur. J’ai par exemple en chantier, une maison en Bretagne, qui fait de 20 à 25 m2 de verrière, une autre dans la Drôme.

Vous êtes à la fois auteur et lecteur, que pensez-vous du livre électronique ?

-JPO : Je ne crois pas que mes livres soient numérisés, à moins que , mon éditeur ne me l’a pas dit ! En tant que lecteur, je reste fortement attaché au papier, c’est beaucoup plus maniable, surtout pour des ouvrages techniques. Je pense que le numérique a son utilité avec les échanges d’internet mais le papier n’est pas encore remplacé.

* 1ére partie de l’interview Domoclick.com avec Jean-Pierre OLIVA publié le 8 avril et réalisé le 22 mars 2011, le lendemain de la catastrophe de Fukushima, avant que les media présentent l’ampleur de l’évènement:
https://www.domoclick.com/renovation-isolation-biomateriaux/bbc-rt2012-il-faut-accepter-de-payer-un-peu-de-matiere-grise-aux-architectes-pour-optimiser-le-projet-a-batir-»-affirme-jean-pierre-oliva/

Domoclick.com

La RT 2012 et les autres réglementations de l’efficacité énergétique:
http://www.rt-batiment.fr/batiments-neufs/reglementation-thermique-2012/presentation.html

Les livres (papier) de JP OLIVA:
http://www.eyrolles.com/Accueil/Auteur/jean-pierre-oliva-23579

Nucléaire, on doit pouvoir choisir:
http://www.reporterre.net/spip.php?article1744

** Qu’est-ce que l’étanchéité à l’air du bâti ?
L’étanchéité à l’air ou perméabilité à l’air d’une construction caractérise la sensibilité du bâtiment vis-à-vis des écoulements aérauliques parasites causés par les défauts d’étanchéité de son enveloppe, ou plus simplement tout défaut d’étanchéité non lié à un système de ventilation spécifique. Elle se quantifie par la valeur du débit de fuite traversant l’enveloppe sous un écart de pression donné.