Il y a neuf ans, un pittoresque village d’ostréiculteurs de Charente-Maritime était submergé par la furie de la tempête Xynthia, des centaines de maisons sous l’eau. Une promenade, un hameau reconstruits et « fortifiés », y offrent aujourd’hui un décor de « carte postale », qui sera inauguré ce samedi 1 er juin. « on a eu une stratégie globale de défense, mais aussi d’aménagement urbain pour camoufler la défense », résume le maire de Châtelaillon-Plage, Jean-Louis Léonard (LR). « On est passé d’un champ de ruines (après Xynthia, à la carte postale ».
(Photo: La promenade de front de mer au « village des Boucholeurs », le 29 mai 2019, afp.com – XAVIER LEOTY)

Le nouveau village des boucholeurs , inauguré le 1er juin 2019

Plus de 1,7 km d’une promenade de front de mer menant à une réserve naturelle de 192 hectares, promenade paisible où se croisent joggeurs et cyclistes, des restaurants, cabanes d’ostréiculteurs et mytiliculteurs, des espaces verts et aires de jeu et pique-nique, sur fond de maisonnettes aux typiques couleurs pastel… A cheval sur les communes de Châtelaillon-Plage et d’Yves, l’historique « Village des boucholeurs » –d’après les « bouchots », pieux en bois sur lesquels sont élevées les moules en bord de littoral– retrouve vie et visiteurs, jusqu’à 6.000 un jour de week-end ensoleillé. Mais ce cadre bucolique reconstitué masque sa vraie nouvelle nature: un système de défense, une véritable fortification contre d’éventuels coups de boutoir de l’océan, tels ceux de la nuit du 27 au 28 février 2010.

Cette nuit-là, la conjugaison d’une dépression marquée, d’un grand coefficient de marée et de vents à 160 km/h avait été dévastatrice pour le village ostréicole. Les vagues avaient submergé la digue terrestre fatiguée, tandis que les flots encerclaient le hameau, pénétrant par la proche réserve naturelle, une zone lagunaire. « L’eau rentrait tellement fort dans la maison qu’une commode a défoncé une cloison », se souvient Jérôme Pabut. Vers 4 heures du matin, ce colosse dut employer toute sa force pour arracher sa porte d’entrée, bloquée par des flots montés à 1,20m, progresser dans le noir et une eau à 11 degrés, pour mettre à l’abri femme et enfants sur la colline voisine.
Les deux tiers des 400 maisons des « Boucholeurs » furent inondées. Sur le littoral Atlantique, Vendée et Charente, Xynthia avait fait 47 morts, dont deux à Châtelaillon, un couple âgé retrouvé dans leur maison inondée. L’Etat (préfecture et direction générale de la prévention des risques) pencha d’abord pour du radical: raser des centaines de maisons et relocaliser. « Cela revenait à tuer la commune… mais il fallait quand même reconstruire une digue ! », résume le maire d’Yves, Didier Roblin.

36 maisons déconstruites-

Après d’âpres batailles et réunions, les mois suivants, les élus parvinrent à faire prévaloir une stratégie de défense, non de recul. Et dans le cadre du Programme d’action et de prévention des inondations (Papi) local, qui en 2011 fut le premier en France pour un littoral maritime, seules 36 maisons furent déconstruites. Aujourd’hui, au pied de la digue supportant la promenade, désormais à 2-3 mètres au-dessus de l’eau selon la marée, avec un parapet lui aussi rehaussé, on aperçoit en contrebas un enrochement massif, et à 200 mètres en mer, trois brise-lames en roches volcaniques. Les espaces verts aménagés -aires de jeux, de pique-nique, patios- font aussi partie du système de défense: des « dents creuses habillées de végétation ou d’un agrégat de calcaire poreux pour absorber l’eau », expliquent les élus.

L'Association Sauvegarde du village des Boucholeurs , Commune de Chatelaillon-Plage et d'Yves, annonce la bonne nouvelle

Dans un chantier d’environ 15 millions d’euros, entre protection et réhabilitation, « on a eu une stratégie globale de défense, mais aussi d’aménagement urbain pour camoufler la défense », résume le maire de Châtelaillon-Plage, Jean-Louis Léonard (LR). « On est passé d’un champ de ruines (après Xynthia), à la carte postale ». Chacun sait aux « Boucholeurs » que la défense n’est pas encore complète. Manque d’ici un an, l’édification d’une digue en terre dite « digue arrière », qui coupera la réserve naturelle en deux, isolant une éventuelle eau de submersion, pour la rediriger vers un réseau de canaux et fossés renforcés et curés, et vers la mer.

Mais la protection contre une nature « hors normes » reste par essence relative. D’après les modélisations pour la nouvelle digue et protections, si une Xynthia de même force survenait, la surverse (débordement) ne serait pas empêchée… Simplement elle « serait de 20.000 à 25.000 m3 d’eau (au lieu de 1,5 million de m3 en 2010), sachant que nous pouvons stocker 250.000 m3 d’eau (via la réserve naturelle) et l’évacuer en 12 heures », pose M. Léonard.

Les Boucholeurs Avant et après la tempête Xynthia:
http://www.lesboucholeurs.net/

Rappel du procès Xynthia: Corinne Lepage visait les élus « cupides » de La Faute-sur-Mer

(AFP) 13.10.2014 par Anne-Sophie LASSERRE)
L’ancienne ministre Corinne Lepage à l’ouverture du procès Xynthia, aux Sables-d’Olonne était l’avocate de 120 parties civiles au procès Xynthia. En octobre 2014, dans sa plaidoirie visait les élus « cupides » de La Faute-sur-Mer (Vendée) et leur politique effrénée d’urbanisation, menant, selon elle, à la mort de 29 personnes en février 2010. René Marratier, maire de La Faute-sur-Mer de 1989 à mars 2014, et Françoise Babin, son ex-adjointe à l’urbanisme et propriétaire de terrains, tous deux jugés devant le tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne pour « homicides involontaires », ont fait « le choix commun d’aller vers une urbanisation massive », au mépris des risques d’inondation, que le maire « connaissait parfaitement », a-t-elle plaidé.

Domoclick.com avec Olivier GUERIN pour l’AFP