Suite de l’interview de Lars LUNDSTROMS*: La question de l’altérité est un des thèmes fondamentaux de la série. Considérez-vous que la série agit comme une métaphore de la xénophobie croissante en Europe ?

La saison 3 de Real Humans est déjà programmée sur Arte

-Lars LUNDSTROMS: J’ai en effet choisi d’utiliser la science-fiction de Real Humans comme une métaphore pour évoquer ce genre de problèmes sociétaux, que l’on ne peut pas aujourd’hui se contenter d’ignorer. La série est une superbe opportunité pour aborder de manière métaphorique ce qui arrive actuellement dans nos sociétés : les bouleversements politiques, le mariage homosexuel, l’immigration illégale… Si vous amenez ces sujets de manière littérale dans une série, cela peut vite devenir ennuyeux, alors que de cette manière, avec le « twist » de la fiction, cela devient passionnant. C’est plus divertissant – mais pas moins profond de cette façon.Quand Aså, la pasteure, fait son sermon en comparant le traitement des hubots à celui des esclaves africains il y a quelques siècles, elle pointe le doigt exactement là où ça fait mal : sommes-nous vraiment comme eux ? Les traitons-nous si mal ? C’est un véritable débat, car nous pouvons nous demander alors qu’est-ce qui fait réellement de nous des hommes.

Justement, qu’est-ce que cela signifie, pour vous, être humain ?

-Je ne sais pas ! C’est pour cela que j’explore la question de l’humanité ici. Quand je l’aurai découvert, je mettrai vite fin à la série ! (rires)C’est une question très difficile ; si on la creuse un tant soit peu, on se rend compte que c’est vraiment très dur à définir.Les hubots libres craignent leur propre mort, c’est la contrepartie de leur liberté. Ils savent qu’un jour, dans le futur, ils pourront être « non-existants ». D’ailleurs, quand David Eischer les libère, les hubots parlent de « naissance » : c’est un véritable traumatisme pour eux, une telle prise de conscience.

Pourquoi le sexe est-il aussi omniprésent dans Real Humans : homosexualité, prostitution, « transhubotsexuality » (amour entre un humain et un hubot) ?

-C’est un bon biais pour montrer toute la complexité des relations. Le sexe n’est qu’un prolongement des relations en général. Pour moi, c’était très important de montrer que l’on pouvait tomber amoureux d’une machine, et ensuite de ne pas pouvoir l’accepter. Certains personnages vont ainsi s’attacher à des hubots sans le savoir, et une fois qu’ils l’apprennent, vont le rejeter totalement. Certaines personnes réagissent vraiment comme ça dans la vraie vie, face à des transsexuels par exemple.

Pourquoi avoir nommé dans sa version originale la série avec le nom du parti extrémiste anti-hubot « Akta Manniskor », et non d’une manière plus positive ?

-Nous avons eu quelques difficultés à trouver le nom de la série. Parfois, trouver un titre pour son travail est la chose la plus compliquée à faire… J’aime le titre que nous avons finalement trouvé. Il s’avère effectivement que c’est le nom de l’organisation anti-hubot, mais je trouve que cela fonctionne de manière plus globale, on comprend vite que la série traite d’un sujet plus large.

La Scandinavie est connue pour le genre noir et notamment ses romans et séries policiers à succès. Real Humans est très différent de ce courant, et ne ressemble d’ailleurs à rien de connu en matière de télévision. Comment avez-vous réussi à convaincre SVT, le diffuseur public suédois, de diffuser la série ?

-Ce n’était pas la partie la plus évidente au départ, mais je crois que nous avons été chanceux. Stefan Baron, directeur de la fiction de SVT à l’époque, est fan de science-fiction et s’est montré très enthousiaste lorsque nous lui avons pitché la série la première fois. Ensuite, il a fallu qu’il convainque pas mal de gens autour de lui de l’intérêt d’une série sur les robots.
C’est pour cette raison que nous avons produit le pilote, pour convaincre la chaine, pour montrer que le sujet de la série n’était pas tant les robots que les humains, et que c’est le mélange entre les deux qui rendait notre propos si intéressant. Ils ont aimé l’idée, et nous avons pu continuer à développer la série entre SVT et Matador Films, ma société de production. Finalement, il s’est écoulé moins de deux ans entre le début du développement et le début du tournage en 2011, pour une première diffusion au printemps 2012. Je crois que nous avons été assez rapides, même si j’avais eu l’idée dès 2005-2006.

Quel est le futur pour la série ? Savez-vous déjà combien de saisons seront prévues ?

-Nous venons de débuter le tournage de la seconde saison depuis un mois et demi environ. Cette saison suivra à peu près les mêmes personnages. La famille Engmar est toujours au centre de la série, car elle représente la normalité, ou du moins l’idée qu’on s’en fait.J’ai écrit la saison 2 avec un autre auteur, Alex Haridi. Nous avons partagé la série en deux et je dois admettre que c’était un vrai soulagement de ne pas tout porter sur mes seules épaules. J’attends avec impatience le début de la diffusion, qui aura lieu en octobre prochain.Je ne sais pas encore combien de saisons je souhaite écrire, mais j’aimerais au moins qu’il y ait une troisième saison. J’espère pouvoir commencer à y travailler d’ici la fin du printemps. Je pense que c’est le genre de série qui peut durer longtemps. Tant que l’on a de bonnes idées à écrire, les personnages peuvent continuer à évoluer.

Travaillez-vous sur le remake anglais ?

-Non, je ne travaille pas directement dessus, mais je lis les scénarios qu’on m’envoie. J’ai un regard artistique sur le remake, je peux donner mon avis. À ma connaissance, il n’y a pas encore d’accord de production, mais les scénarios que j’ai lus sont plutôt bons. C’est un peu différent de ma série, mais tant mieux ! Je ne vois pas l’intérêt de faire exactement la même chose.

Propos recueillis par Oriane Hurard pour Arte (Février 2013)

Domoclick.com

* Lire la première partie de l’interview:
https://www.domoclick.com/generation-y-seniors-expacts/12-real-humans100-humain-la-serie-tele-evenement-la-plus-intrigante-de-lannee-arrive-sur-arte-le-4-avril/