Le Mobile World Congress (MWC), le grand rendez-vous annuel de l’industrie des télécoms, a ouvert ses portes lundi 25 février pour quatre jours consacrés aux dernières évolutions de la téléphonie mobile dans le monde, à commencer par la 5G. La 5G ? alors qu’on n’a pas tout exploité dans la 4G. Voici la cartographie de cette nouvelle bande passante destiné à un marché gigantesque: 5,8 milliards de terriens sont abonnés avec un mobile dans le monde.
Photo: Arrivée des participants au Mobile World Congress, le 25 février 2019 à Barcelone
afp.com – Josep LAGO)
Organisé par l’Association mondiale des opérateurs (GSMA), le MWC, référence mondiale du secteur mais plus axé sur les professionnels que le Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas, devrait cette année encore réunir plus de 100.000 visiteurs qui pourront découvrir plus de 2.000 exposants. La plupart des grands opérateurs mondiaux, fournisseurs d’équipements réseaux, entreprises de cybersécurité ou encore start-up, en provenance de 200 pays profiteront de ces quatre jours pour échanger non seulement sur la 5e génération de téléphonie mobile mais également sur la protection de la vie privée, l’intelligence artificielle ou les futurs services aux consommateurs.
Une étude publiée de la GSMA rapporte que le monde comptera 700 millions d’abonnés mobiles supplémentaires en 2025, pour un total de 5,8 milliards d’abonnés dans le monde. Alors que l’industrie du mobile a enregistré en 2018 un chiffre d’affaires total de 3,9 trillions de dollars, soit 4,6% du PIB mondial, la contribution de ce secteur économique devrait se porter à 4,8 trillions de dollars en 2023, soit 4,8% du PIB mondial. Un montant qui devrait encore aller en augmentant dans les prochaines années du fait de l’émergence du protocole 5G, qui devrait contribuer à hauteur de 2,2 trillions de dollars à l’économie mondiale dans les 15 prochaines années, comme l’affirme la GSMA.
Signe des attentes des industriels en particulier autour de la 5G, le Congrès verra s’exprimer des représentants de secteurs aussi divers que les constructeurs automobile ou les services en ligne. Plusieurs représentants institutionnels seront également présents, des Nations Unies au Comité International Olympique (CIO) en passant par l’Union Européenne ou le Comité International de la Croix Rouge (CICR), rappelant par la même occasion la place centrale prise désormais par les réseaux mobiles dans de nombreux aspects de la vie quotidienne.
Comme les années précédentes, plusieurs acteurs importants des différents secteurs du divertissement seront présents, comme le PDG de Niantic, le développeur du jeu à succès de 2016, Pokémon GO, ou celui d’Universal Music Group. Dimanche, la plupart des grands fabricants de téléphones mobiles, à l’exception de l’Américain Apple, traditionnellement absent de Barcelone, et du Sud-Coréen Samsung, qui avait présenté son nouveau modèle-phare mercredi, ont présenté leurs nouveaux appareils, dont le premier smartphone pliable de Huawei et plusieurs appareils compatibles avec les futurs réseaux 5G.
Trop de promesses avec la 5G ?
Elle est partout dans les allées du Mobile World Congress (MWC***) de Barcelone: après en avoir parlé pendant des années, l’industrie des télécoms peut enfin montrer que la 5G est devenue une réalité et ses promesses à portée de main. La 5G, ou 5e génération de technologie mobile, c’est avant tout une promesse de rapidité et de temps de réponse amélioré, grâce à l’usage de toujours plus de bande passante et l’association de technologies nouvelles qui doivent permettre un meilleur fonctionnement du réseau.
Pourtant, certains au sein de l’industrie, comme l’équipementier suédois Ericsson, commencent à alerter: trop parler des possibilités à venir pourrait susciter trop d’attente du grand public, qui risque d’être déçu par les capacités réelles des premiers réseaux.Selon une étude menée par le Ericsson ConsumerLab et présentée fin 2018, l’une des principales attentes est de voir la 5G offrir une vitesse de connexion bien supérieure à la 4G, et ce, dès les premiers déploiements.
Or, « on n’en est qu’aux prémices », avertit Yannick Sadowy, directeur général pour les secteurs médias et télécoms d’ Accenture, « on promet du temps réel et très peu de latence, ce qui ne sera une réalité qu’en 2023-2025 ».
« Ce sera une technologie révolutionnaire mais sur le long terme, cela prendra du temps pour voir tout ce qu’elle permettra de réaliser avec un smartphone mais elle nous surprendra », ajoute Dexter Thilien, analyste pour Fitch Solutions. « Le risque de déception existe » renchérit Stéphane Téral, directeur exécutif de la recherche sur l’industrie mobile pour IHS Markit, « ce que l’on présente aujourd’hui, c’est une forme de 4G++, on fait beaucoup de bruit pour finalement pas grand-chose ». « Quand on voit les services existants aujourd’hui, avec un bon niveau de couverture 4G, l’intérêt de la 5G n’apparaît pas évident. En revanche, difficile d’identifier à ce stade les futurs services qui émergeront avec la 5G », nuance cependant Thomas Coudry, analyste télécoms pour Bryan, Garnier & Co.
Les opérateurs se veulent prudents
Les consommateurs espèrent la livraison à domicile par drone, du cinéma en réalité virtuelle, des robots connectés et même la possibilité de passer des appels en hologramme, et tout ça grâce à la 5G. Autant de services qui ne sont pas pour demain, estime Stéphane Téral, car « il faudrait un réseau qui coûterait une fortune à déployer avec un retour sur investissement incertain ».
« On n’a pas vu tant de promesses que ça de la part des opérateurs », nuance Dexter Thillien, « aux Etats-Unis bien entendu c’est le cas mais en Europe les opérateurs semblent avoir appris des erreurs faites lors du lancement de la 3G ».
A l’époque, la promesse d’un internet mobile avait mis plusieurs années avant d’être tenue d’autant que le téléphone mobile adapté, le premier iPhone en 2007, n’était sorti que trois ans après le lancement des réseaux en Europe. Le déploiement de la 5G ne se fera que progressivement, explique Mats Granryd, le directeur général de l’Association mondiale des opérateurs (GSMA). « Seules 15% des connexions dans le monde se feront en 5G en 2025, cela va encore rester une technologie relativement limitée ».
Pour l’heure, les réseaux commencent tout juste et les premiers smartphones sont particulièrement chers, autant de raisons pour les opérateurs de ne pas trop en rajouter en terme de marketing.
« A court terme, le principal intérêt de la 5G pour les opérateurs sera d’absorber la croissance des volumes et des trafics à un coût marginal inférieur à la 4G, certains parlent d’un coût divisé par deux », conclut Thomas Coudry. Le grand public devra encore se montrer patient avant l’arrivée de nouveaux services vraiment innovants.
L’arrivée programmée de la 5G est encore entourée de nombreuses incertitudes. Difficile de prédire quels services se développeront sur le réseau mobile ultra-haut débit. Impossible de prévoir quelles seront les entreprises qui bénéficieront de l’essor de cette technologie futuriste. Délicat d’affirmer que les consommateurs seront prêts à payer plus pour permettre aux opérateurs de rentabiliser des investissements colossaux.
Si la liste des doutes concernant la 5G est longue, il existe au moins deux certitudes.
1/ La première est que l’Europe ne pourra faire l’économie de cette révolution. Quand le reste du monde accélère, ceux qui se contentent de conserver le même rythme ne font pas que du surplace : ils perdent du terrain.
2/ La seconde est encore plus cruelle : dans cette course qui va capter toute l’attention à l’occasion du Mobile World Congress de Barcelone, l’Europe est d’ores et déjà une puissance de second rang.
Sur un plan commercial, l’essentiel du marché de la 5G sera asiatique, et en particulier chinois. Le cocktail mariant croissance démographique et économique et volonté politique d’investir dans une infrastructure critique poussera la Chine à s’équiper rapidement et massivement. Surtout que, sur un plan industriel, ce boom profitera avant tout à Huawei, un champion de l’empire du Milieu.
“ L’Europe doit se doter de champions si elle ne veut pas perdre la bataille de la 5G face aux Chinois. ” Ce futur qui se dessine devrait en Europe faire office de « wake-up call ». Si celle-ci ne veut pas rester à la traîne et faire ainsi honneur à son qualificatif de « Vieux » Continent, il faut que les Européens entendent ce réveil téléphonique et admettent que, dans certains secteurs, il faut que nous nous ressaisissions si nous voulons pouvoir rester maîtres de notre destin.
Pour des questions de souveraineté, l’Europe ne peut pas être qu’un marché. Elle doit disposer de champions qui produisent et exportent leurs technologies. Les Gafa américains ont remporté la dernière manche de la révolution digitale. Les Chinois sont en passe de remporter la guerre des batteries de la voiture électrique et de la 5G.
Le monde fabuleux de la 5G
La guerre économique et technologique est-elle perdue pour les Européens ? En tous cas, le PDG d’Orange affirme que la France a déjà pris un an de retard sur cette technologie très haut-débit. Il est sans doute bien tard, mais peut-être pas trop pour qu’elle choisisse ses combats et décide sur certains fronts de jouer la carte de la préférence nationale, d’une dose de protectionnisme et de soutiens publics à l’initiative privée. La Chine et les Etats-Unis privilégient leurs champions. L’Europe devrait aussi avoir parfois le courage de le faire et même de le revendiquer.
David Barroux
Qualcomm, grand vainqueur de la bataille des puces 5G
Pour le président de Qualcomm, Cristiano Amon, la 5G est l\’occasion de conserver son avance sur la concurrence dans les puces des mobiles. – Lluis Gene/AFP
Au Mobile World Congress, le groupe californien démontre l’avance prise sur Intel et MediaTek .Qualcomm veut passer à la 5G plus rapidement pour capitaliser sur cet écart.
Dans les rues de Barcelone, comme dans les allées du Mobile World Congress, le nom de Qualcomm s’affiche partout en grosses lettres, assorti du slogan que martèle le californien à qui veut l’entendre : « 5G is here. » Sur les scènes grandes ou petites du Salon, le président du groupe, Cristiano Amon, semble omniprésent.
*** Le Mobile World Congress de Barcelone:
https://www.gsma.com
Domoclick.com avec Erwann LUCAS pour l’AFP à Barcelone