L’Assemblée nationale a adopté mardi 15 une proposition de loi UMP sur le prix unique du livre numérique, qui ne s’imposera pas aux grandes plate-formes de diffusion établies à l’étranger type Amazon, ce qui inquiète les éditeurs et les diffuseurs français. Déjà adopté au Sénat, il prévoit que les éditeurs fixent un prix unique de vente au public, comme pour le livre papier depuis la loi Lang de 1981. Le taux de TVA sur le livre numérique sera de 5,5% à compter du 1er janvier 2012, selon une disposition de la loi de finances 2011.

« Le prix de vente s’impose aux personnes établies en France, proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France », stipule l’article 3 du texte, qui a suscité l’inquiétude des professionnels. Le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels et le PDG de la Fnac redoutent une concurrence déloyale avec les plate-formes établies hors de France (Amazon, Apple, Google), qui pourraient vendre moins cher. Le PDG de la Fnac, Alexandre Bompard, craint l’ouverture d’un « boulevard au dumping culturel ». En votant le texte en octobre 2010, les sénateurs avaient prévu que le prix de vente s’imposait à tous, donc aussi aux plate-formes de diffusion établie hors de France (« clause d’extra-territorialité »). Fin janvier, la Commission européenne a émis des réserves sur cette disposition.

Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a estimé qu' »en allant au-delà de notre territoire, nous nous exposerions très certainement à un recours de la part de la Commission européenne devant le juge de l’Union ». Le ministre mise sur le contrat de mandat, « qui assure une maîtrise du prix par l’éditeur », pour « l’égalisation des prix de vente des livres français quel que soit le diffuseur ». L’opposition a enjoint le gouvernement à se battre auprès de Bruxelles. « La volonté politique est déterminante », a plaidé le député PS Patrick Bloche, en demandant en vain le rétablissement de la « clause d’extra-territorialité ». « Apple a déjà conquis 80% du marché français de la musique dématérialisée et Amazon 50% du marché de la librairie en ligne », ont plaidé les députés PS. Le rapporteur du texte, Hervé Gaymard (UMP), a parlé d’une « loi minimaliste »: « C’est une étape, il y en aura d’autres ».

Le livre numérique ne représente que 1,5% du chiffre d’affaires des éditeurs,

Mettant en sourdine leurs différences, les députés UMP et PS ont aussi approuvé à la va-vite un amendement qu’ils ont cosigné -déposé juste avant l’ouverture des débats- et qui vise à « permettre la poursuite, dans les meilleures conditions, de la construction du musée d’art contemporain » de LVMH à Paris, dans le bois de Boulogne. Le tribunal administratif de Paris avait annulé en janvier le permis de construire accordé pour la construction dans le bois de Boulogne, de la Fondation LVMH affectée à l’art contemporain. La mairie de Paris a fait appel.

Le groupe GDR (PCF et Verts) a déploré ce « cavalier » législatif, estimant qu’il n’avait rien à voir avec un texte sur le livre numérique. « Ce genre de disposition particulière me dérange », a aussi protesté le député UMP Lionel Tardy, connu pour sa liberté de ton. « Que le groupe PS s’y prête me surprend encore plus », a-t-il dit.