Vous avez dit construction additive ? C’est assurément le terme innovant le plus intrigant (pour les néophytes) avec le BIM. Mais c’est également le plus intéressant pour les architectes. Domoclick.com a interviewé trois architectes d’XtreeE (Charles Bouyssou, XtreeE Technologies, Clément Gosselin et Mahriz Zakeri d’ XtreeE Manufacturing) une start-up dédiée aux diverses intégrations de procédés digitaux avancés pour la conception architecturale et la construction. Cet entretien Exclusif permet de bien comprendre la construction additive et la façon dont de jeunes architectes s’en emparent, lors du salon i-Connect à Lyon avant le salon Batimat 2015 à Paris-Villepinte.

Domoclick : Quel est la particularité du projet XtreeE ?

-Charles : « XtreeE est une start-up regroupant des chercheurs (ENSAM Pimm, INRIA), universitaires (CNAM, ENSAPM), ingénieurs (Ecole des Ponts, ENSAM), architectes confirmés et jeunes diplômés qui viennent tous de l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais (75006). L’équipe est donc jeune et intrinsèquement pluridisciplinaire, mais reçois néanmoins l’appui d’architectes et investisseurs confirmés. Le président qui a donné l’impulsion et fédéré l’équipe est Philippe Morel (photo), architecte et théoricien.

Le projet XtreeE démontre que la construction additive (par imprimante 3D) permet d’innover en architecture grâce à une meilleure « gestion » de la complexité (cette complexité étant pour ainsi dire quasi « gratuite » en Additive Manufacturing). Cette approche permet de nombreuses optimisations, dont bien sûr une optimisation des performances mécaniques des structures et donc un gain de poids et une économie de matière, ce qui conduit alors à une réduction de la consommation énergétiques lors de la production d’un bâtiment. »

-Pouvez-vous nous donner un exemple d’optimisation des performances énergétiques ?

-Charles : “Par exemple dans un de nos premiers prototypes (le mur réalisé dans le cadre du Projet de fin d’études de Clément Gosselin à l’ENSAPM) une déperdition énergétique minimale a été cherchée. Pour ce faire les ponts thermiques ont été limités grâce à une géométrie articulée créant uniquement quelques points de jonctions isolés entre les parois en contact avec l’intérieur et l’extérieur, et l’âme sinusoïdale du mur. De plus, cette « structure » de mur compartimentée permet par exemple de couler du béton haute performance pour obtenir des résistances mécaniques sur des parties localisées et adéquates, et de revêtir d’un parement lorsque nécessaire pour l’aspect esthétique. Nous travaillons d’ailleurs sur de nombreuses évolutions pour mieux contrôler les problématiques de parements et d’aspects et éviter la superposition des cordons propre au paradigme technologique que nous utilisons »

– Clément, sur l’aspect des faisabilités de l’impression en béton, qu’est-ce que cela signifie ? Que dites-vous aux professionnels qui conçoivent déjà en 3D sur un écran pour construire « comme aujourd’hui » ?

-Clément : “L’intérêt de la fabrication additive dans la construction c’est notamment le “non standard”, le sur-mesure de masse, on peut construire des maisons différentes, des objets différents mais on n’a pas besoin de changer le procédé de fabrication. Il reste toujours le même. Ce que rappelait Charles tout à l’heure c’est que la complexité est « gratuite ». On peut donc adapter les produits que l’on va fabriquer aux besoins réels des donneurs d’ordre en évitant de stocker des constructions. Nous sommes donc dans une démarche de lean manufacturing. Il est possible de différencier les éléments à la demande et de répondre au plus près du cahier des charges.
Dans le cas du mur déjà évoqué, une partie gère les performances d’isolation et une autre partie les performances mécaniques. Il s’agit donc d’un cas de double contrainte que l’on espère traiter avec un élément réalisé en une seule fois. On applique (avec un cas de charges donné) des contraintes de chargement, il y a donc une structure qui reprend ces charges, et des contraintes d’isolation thermique, ce qui conduit à un mur énergétiquement performant.

Le but d’XtreeE est de couvrir l’ensemble de l’éventail de la fabrication additive**. Nous avons un pôle de manufacturing (fabrication), un pôle technologie où nous développons des procédés de fabrication et de mise en œuvre et un pôle consulting où nous nous intéressons avant tout à la partie conception : par exemple les questions d’imprimabilité, de génération de parcours outils ou d’optimisation du dessein. Nous cherchons systématiquement à avoir des éléments optimisés pour diminuer la quantité de matière nécessaire en mettant la (bonne) matière exactement aux endroits où il y en a besoin, et pas ailleurs. À la suite du mur pour lequel nous avons reçu le soutien de LafargeHolcim qui a mis à notre disposition des mix expérimentaux, nous avons également travaillé sur la conception d’un pavillon de 3×3 mètres que nous espérons bien réaliser »

– Mahriz : « En fait nous ne sommes pas limités en terme de matériaux, nous travaillons le béton mais également l’argile qui est un matériau réutilisable : nous pouvons donc imprimer des moules à très bas coût et 100% recyclables pour des coulages de pièces complexes en béton »

– Peut-on imaginer une application de cette innovation dans la construction de maison individuelle ?

-Charles : « Pour le moment nous visons la fabrication de pièces à forte valeur ajoutée, c’est à dire des pièces exigeantes ayant une grande complexité formelle, le plus souvent géométrique et topologique. C’est là que se situe le challenge qui nous permettra de démontrer le véritable avantage compétitif de notre société. Néanmoins l’impression de masse est à venir et son avènement sera inéluctable, bien que la production de kilomètres de murs rectilignes ne représente pas en elle-même un grand intérêt architectural ou technique. Actuellement nous travaillons sur un « poteau » réticulé de soutien d’une dalle pour lequel la fabrication des nœuds représente déjà un challenge. Ils sont complexes et la structure globale résultante devrait être une structure globale très ajourée et élégante. Nous allons passer rapidement à la production du pavillon déjà évoqué, avec nos partenaires, pavillon dont nous extrayons actuellement des fragments pour valider les différentes méthodes et approches d’impression à mettre en œuvre. Sur le salon Batimat nous en avons présenté deux mais ce pavillon recourra lui à 4 techniques

-Clément : « Une de ces 4 techniques permettra de réaliser une résille tridimensionnelle. Une autre une portion de mur performant thermiquement, une autre encore un « poteau –arbre » ramifié, enfin la dernière des panneaux allégés »

-Des poteaux comme ceux développés pour les éoliennes ?

-Clément : Exactement !

Propos recueillis par Jerome Robert pour Domoclick.com

Pour aller plus loin :
http://www.xtreee.com/
https://www.facebook.com/XtreeE/timeline

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