Déjà repérée dans l’équipe de campagne Présidentielle de François Hollande, Fleur Pellerin, devenue depuis la ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique n’a pas peur de frapper son gauche après un mois en fonction: «La droite n’a pas le monopole de l’esprit d’entreprise» a-t-elle déclaré dans une interview aux « Echos » , par Veronique Le Billon et David Barroux*, en inaugurant jeudi 27 le salon Planète PME. Elle revient sur les projets fiscaux du gouvernement. Elle veut faire évoluer les mentalités sur l’ouverture du capital des PME et estime que les aides aux entreprises ne doivent plus être saupoudrées.
Le salon Planète PME se tient dans un climat d’incertitude conjoncturelle et fiscale. Votre mission est-elle de sanctuariser leur situation financière ?
– Fleur Pellerin: Nos engagements en matière de redressement des finances publiques nous conduisent à adopter des mesures exigeantes, dans une situation conjoncturelle dégradée. Mais nous avons toujours indiqué qu’une attention très particulière serait portée aux PME, qui sont les réserves d’emplois de demain. Toutes les mesures qui seront prises le seront dans un souci d’équité, et l’effort principal sera demandé aux plus grandes entreprises.
Nous mettrons en place un « test PME », qui consistera à évaluer, en amont, l’impact sur les PME de toute mesure nouvelle proposée par le gouvernement. Nous l’avons déjà mis en oeuvre de manière informelle dans notre réflexion budgétaire, et il sera formalisé à l’automne dans un plan PME.
Quelles en seront les priorités ?
-FP: La priorité du gouvernement est de répondre aux difficultés de financement des PME, de l’amorçage au troisième tour de table et même au-delà. L’industrie française du capital risque, insuffisamment rentable, est encore sous-dimensionnée. La Banque publique d’investissement sera un puissant levier d’action pour compléter l’offre de financements privés. La CGPME a aussi attiré notre attention sur les problèmes de trésorerie des entreprises, et notamment l’accès au crédit à court terme.
Le plan PME s’efforcera d’aborder l’ensemble des questions concrètes liées au développement des entreprises, par exemple lorsqu’elles cherchent à s’internationaliser ou à réaliser des investissements lourds.
Il est prévu de rogner les allégements de charges. Jusqu’où les PME seront-elles épargnées ?
-FP: Je ferai tout, là aussi, pour protéger la compétitivité des PME. A ce jour, le seuil d’effectifs déclenchant la remise en cause des exonérations sociales pour les heures supplémentaires n’est pas arrêté.
Le taux réduit d’impôt sur les sociétés à 15% sera-t-il accordé dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui ?
-FP: Je souhaite que cette mesure puisse être mise en oeuvre dès la loi de Finances 2013. Nous échangerons avec les représentants des entreprises pour trouver des positions consensuelles.
Les patrons cédant leur entreprise s’inquiètent de l’imposition à 75%. Avez-vous trouvé une voie médiane ?
-FP: Le lissage de la plus-value de cession sur la durée de détention de l’entreprise me semble une piste pertinente. Mais ce sujet n’a pas été arbitré.
Faut-il une politique spécifique pour les entreprises de taille intermédiaire ?
-FP: Toutes les PME n’ont pas vocation à devenir des ETI. Notre mission est d’identifier celles qui en ont le potentiel, et d’accompagner leur croissance pour densifier notre tissu économique intermédiaire. Il faut créer pour les entreprises, une dynamique comparable à celle de la « promotion sociale », et lutter pour cela contre le plafond de verre.
Combien d’entreprises créées au cours des dix dernières années sont entrées au CAC 40 ou au SBF120 ? Il faut que les success story comme celles de Vente Privée ou Iliad Free se multiplient dans les années à venir.
Faut-il concentrer les aides aux entreprises ?
-FP:Avec des moyens budgétaires contraints, nous ne pouvons plus nous permettre de saupoudrer les aides. Il y a, tout d’abord, un nouvel équilibre à trouver entre le rôle de l’Etat et des régions en matière de développement économique. Ensuite, nous étudions le système, très complexe, des aides aux entreprises ainsi que le rapport sur la deuxième phase des pôles de compétitivité. Dans les deux cas, il nous faudra trouver des synergies et chercher à rationaliser l’intervention publique. Il est difficile de maintenir un effet de levier quand les aides sont trop faibles et trop diffuses.
Les PME françaises rechignent souvent à ouvrir leur capital. Comment y remédier ?
-FP: Il y a une méfiance très française vis-à-vis de l’ouverture et de la dilution du capital. Pour y remédier, nous allons tenter d’améliorer les relations entre les PME, d’une part, les grandes entreprises et les investisseurs, d’autre part, pour y réintroduire de la confiance. Dans le secteur du numérique, certaines grandes entreprises de télécoms commencent à jouer un rôle moteur pour incuber des entreprises innovantes et créer un écosystème vertueux. Mais un problème culturel ne se résout pas par décret. Il nous faudra accomplir un travail patient pour faire évoluer les mentalités et les pratiques.
Vous avez clôturé l’assemblée de Pacte PME ce mercredi, qui travaille sur les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants. La charte de bonnes pratiques et la médiation de la sous-traitance sont-elles assez efficaces ?
-FP: Même si les chartes ne sont pas contraignantes, elles sont vertueuses parce qu’elles engagent moralement leurs signataires, et il y a bien une corrélation entre la signature de la charte et les bonnes pratiques effectivement constatées. Le fait que les entreprises acceptent de faire l’objet d’un classement est en soi une bonne chose. Je soutiens cette démarche. En matière de délais de paiement, nous ferons en sorte que la loi soit appliquée.
* SUITE de l’interview dans Les Echos:
http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202143169388-fleur-pellerin-la-droite-n-a-pas-le-monopole-de-l-esprit-d-entreprise-338383.php
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