EXCLUSIVITE Usine Nouvelle:  À la veille de la remise du rapport Gallois, Laurence Parisot, présidente du MEDEF, a choisi L’Usine Nouvelle pour lancer son cri d’alarme sur la compétitivité. Elle implore l’exécutif d’agir vite et fort pour ne pas laisser s’installer le doute chez les entrepreneurs. Sinon ? Sinon la récession et le déclin nous guette estime la présidente du Medef qui propose de lancer le mécanisme de « double hélice » permettant à la fois de baisser les cotisations des employeurs et celles des salariés. Simultanément, cette double baisse serait compensée par la double hausse – modérée – de la TVA et de la CSG, les deux outils fiscaux à l’assiette fiscale la plus large. Enfin elle mets en garde contre le mythe du grand consensus à trouver ; Il faut de l’audace ! Interview publiée par l’Usine Nouvelle le 30 octobre 2012, à 06h00

"Le rapport Gallois représente peut-être notre dernière chance d’éviter l’ornière de la récession, puis du déclin" Laurence Parisot, présidente du MEDEF

L’Usine Nouvelle – François Hollande s’est adressé aux entrepreneurs du club Oséo excellence le 25 octobre. Avez-vous été rassurée par son discours ?

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Laurence Parisot: Je ne suis pas sûre que le discours du président de la République soit à la mesure de la gravité de la situation. Le rapport Gallois représente peut-être notre dernière chance d’éviter l’ornière de la récession, puis du déclin. Je le dis haut et fort car nous, les entrepreneurs, vivons au jour le jour la chute des commandes et les reports d’investissement. L’activité du mois de septembre, cette année, a ressemblé à celle d’un mois d’août. Nous pensons que nous sommes déjà en récession.

Est-on en train de revivre la crise de 2008 ?


-FP: En pire, car l’effondrement actuel de l’économie française s’explique principalement par ses propres problèmes. 2008 était la crise des subprimes. 2011, celle de la zone euro. 2012, c’est la crise de l’économie française arrivée dans une impasse. Le taux des prélèvements obligatoires sur les entreprises est maintenant le plus élevé des pays européens, devant la Suède : ils représentent 26,3 % de la valeur ajoutée contre seulement 15,6 % en Allemagne. Cet écart est gigantesque. Les entreprises françaises étouffent. Le président de la République a, certes, tenu un discours respectueux de l’entreprise et je l’ai même entendu prononcer des mots naguère tabous comme « rigidité du travail » ou « compétitivité coût ». Mais nous aspirons à bien plus, à un big bang économique.

Un big bang, c’est violent…


-FP: Un big bang économique, c’est ce qui se produirait immédiatement si le gouvernement mettait en œuvre une stratégie permettant aux entreprises de reconstituer leurs marges, aujourd’hui les plus faibles d’Europe. S’il enlevait cette rigidité réglementaire qui partout bride notre potentiel. S’il permettait tout simplement la création de richesses. Ce big bang économique, le rapport Gallois peut en donner le signal. Le Medef préconise un mécanisme de « double hélice » permettant à la fois de baisser les cotisations des employeurs et celles des salariés. Simultanément, cette double baisse serait compensée par la double hausse – modérée – de la TVA et de la CSG, les deux outils fiscaux à l’assiette fiscale la plus large. Notre déception sera immense si le rapport Gallois ne propose pas un mécanisme proche.

Quel serait le niveau de transfert de charges minimum pour qu’il soit efficace ?


-FP: Pour nous mettre au niveau de l’Allemagne en termes de cotisations sociales, nous avons besoin d’un choc de déplacement de 70 milliards d’euros. Quand le président de la République parle de « pacte », nous sommes satisfaits en un certain sens car c’est bien un nouveau pacte fiscal et social que génère notre « double hélice ». Néanmoins, si le projet du Président n’est pas suffisamment clair, ample et massif, s’il n’est qu’un arrangement, nous ne pourrons pas nous en contenter car nous continuerons de penser que le pire est devant nous.

Le Président parle de trajectoire de compétitivité. Pourriez-vous accepter un étalement dans le temps de cette mesure ?


-FP: Nous ne pouvons pas penser que nous avons tout notre temps alors qu’il y a urgence, la situation ne cessant de se dégrader depuis près d’une décennie. La glissade de l’économie française est telle que si nous n’arrivons pas à la stopper vite et avec force, nous ne nous en remettrons pas. La France n’a pas fait assez tôt les choix d’adaptation aux mutations du monde d’aujourd’hui. Pour que la notion de trajectoire de compétitivité soit opérationnelle et réponde aux défis actuels, elle doit aller de pair avec une autre trajectoire tout aussi ferme, celle de la réduction des dépenses publiques. Voyez l’Allemagne, le Canada, la Suède, la seule façon de retrouver rapidement le chemin de la compétitivité, c’est de réduire les dépenses publiques.

Elle fait partie aussi du budget 2013…
Certes et c’est louable, le gouvernement veut respecter l’objectif budgétaire d’un déficit de 3 % en 2013. Mais la façon dont il le fait ne convient pas. Nous mettons une mauvaise note au budget 2013. En apparence, les efforts semblent équitablement répartis entre les ménages, les entreprises et l’État. Mais en réalité, il n’y a aucune réduction des dépenses publiques, seulement un léger ralentissement de leur hausse habituelle. Nous ne nous en sortirons pas tant que la baisse des dépenses ne représentera pas les deux tiers de l’effort, et l’on ne parle toujours pas des réformes structurelles qui le permettraient !
 
Sur les transferts de charges, toute hausse de TVA ou de CSG semble écartée. Avez-vous un plan B ?


-FP: Nous avons beaucoup travaillé sur ces questions et nous pensons qu’il n’y a pas d’autre solution que celle que nous proposons. Nous le réexpliquerons autant qu’il le faudra. Il faut en effet comprendre que les dépôts de bilan vont se multiplier si rien n’est fait, et que le chômage va augmenter. Croire aujourd’hui que certains secteurs seraient encore à l’abri de la compétition internationale, c’est une vue de l’esprit. Partout, on gagne ou on perd un marché au centième de prix près, et c’est pourquoi il nous apparaît scandaleux de nier le problème de compétitivité prix.

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© Luc Pérénom – L’Usine Nouvelle

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