Depuis plus d’un an que les médias annoncent l’arrivée menacante de Netflix en France, la plate-forme de VOD, les acteurs du PAF on eu le temps de se préparer à riposter. En réalité, selon eux, il serait temps de se calmer puisque l’offre se révèle très concurrentielle. Bon terrain pour anticiper et voir le coup d’après… dans dix ans. Le mensuel WIRED a interviewé Neil Hunt, le directeur des produits chez Netflix qui a une idée très précise de ce que pourrait être le paysage audiovisuel mondial en 2025. L’audience, les contenus, les applications de la télé connectée et la nouvelle relation entre téléspectateurs (un nom dépassé) et la pub ciblée; tout y est !!!
Neil-hunt
« Bientôt, Netflix saura exactement ce que vous voulez regarder, avant même que vous ne le sachiez vous-mêmes. Vous n’aurez plus à faire défiler des listes interminables de programmes avant de choisir. C’est du moins ce que pense Neil Hunt, Chief Product Officer chez Netflix. Lors de l’Internet Week à New York, Neil Hunt a donné sa vision du futur de la télévision. Cette vision n’est probablement pas très éloignée de la réalité d’ailleurs. En effet, s’il y a bien une société qui sait changer la manière dont nous consommons les films et les programmes télévisés, c’est Netflix. Depuis 1997 et ses modestes débuts comme petit service de location de DVD par voie postale, bien du chemin a été parcouru. A l’heure où les acteurs de l’industrie audiovisuelle se déchirent pour augmenter leur part du marché, Neil Hunt a une idée très précise de ce que pourrait être le paysage audiovisuel dans dix ans.
Voici quelques-unes de ses prédictions :

48 millions de chaînes

Traditionnellement, les spectateurs découvrent de nouveaux programmes en se connectant à la chaîne qui correspond le plus à leurs centres d’intérêts. Les passionnés de l’information vont par exemple se connecter sur CNN tandis que les amateurs de programmes jeunesse se rendront sur la chaîne Nickelodeon. Pourtant, aucune chaîne ne peut couvrir à 100% les demandes de chacun de ses spectateurs.
Selon Neil Hunt, la télévision connectée va tout changer. D’après lui, Netflix cherche à améliorer sa technologie de personnalisation pour que, à terme, l’utilisateur n’ait même plus besoin de choisir un programme. A la place, l’outil de recommandation de la plateforme sVoD sera tellement performant qu’il ne proposera plus qu’« une ou deux suggestions parfaitement adaptées ». « Cette vision est possible » affirme Neil Hunt. « Nous allons dans ce sens depuis longtemps et il reste beaucoup de chemin à parcourir ». Il précise que le perfectionnement de la technologie de personnalisation est aussi important que l’amélioration des infrastructures permettant de livrer les contenus jusqu’aux consommateurs.

Plus de liberté créative à Hollywood

Neil Hunt sait bien que le catalogue Netflix est constitué en très grande partie de séries et de films de moindre qualité aux regards de nombreux spectateurs. « Les mauvais programmes, ça n’existe pas » affirme-t-il. « En revanche, il existe de nombreux programmes qui comptent peu de spectateurs mais une base dévouée et fidèle ». Il ajoute même que, plus l’outil de personnalisation de Netflix sera intelligent, plus il sera facile pour ces publics de découvrir de nouveaux dont ils n’auraient jamais entendu parler sinon. Ainsi, les réalisateurs et les acteurs verront leur liberté créative s’accroître car ils disposeront enfin d’une chaîne de distribution qui tolère des émissions moins populaires mais disposant d’un public ciblé.

« L’IPTV (télévision par Internet) permet de diffuser des programmes plus modestes » affirme-t-il. Il ajoute par la même occasion que cette approche a permis à de nombreux films et séries de prospérer sur Netflix alors qu’ils n’auraient probablement pas eu cette opportunité à la télévision. The Square, un documentaire retraçant les événements du Printemps Arabe sur la Place Tahrir, en est un bon exemple : « C’est un véritable succès sur Netflix alors qu’il n’aurait peut-être même pas eu de place sur la télévision linéaire ».

Enfin, la télévision à l’ère du tout-numérique verra les réalisateurs se libérer des traditionnels formats télévisés qui leur accordent des petits créneaux (une demi-heure ou une heure par semaine) pour espérer accrocher les téléspectateurs. Sur Internet, un épisode peut être « aussi long ou aussi court que vous le voulez ». A terme, les séries télévisées ne seront même plus désignées comme telles. « Les séries d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec la télévision de nos parents ; la télévision de demain vous coupera le souffle ».

La fin du règne de la publicité

Netflix a d’ores et déjà prouvé qu’il était possible d’investir le monde de la télévision sans les annonceurs et ce grâce aux frais d’abonnement. La prolifération des plateformes de visionnage en ligne pourrait entraîner la disparition de la publicité télévisée et ainsi transformer radicalement l’industrie publicitaire pour les dix prochaines années. « L’interface libre de publicité semble être très populaire chez les utilisateurs. Il nous faut imaginer que les assureurs, les constructeurs automobiles et les chaînes de fast-food devront trouver de nouveaux supports pour héberger leurs annonces d’ici 2025 ».

Une autre possibilité existe toutefois. Selon Neil Hunt, la même technologie utilisée pour proposer des contenus personnalisés aux utilisateurs pourrait être utilisée pour cibler les publicités. Cela signifierait que les utilisateurs seraient exposés à des annonces moins nombreuses plus pertinentes.

Netflix et la retransmission en direct de rencontres sportives ?

Neil Hunt ne le formule pas expressément mais, à la question « verrons-nous bientôt des matchs en direct sur Netflix ? », il répond « restez à l’écoute ! » Il note que l’apparition de matchs en direct sur la plateforme de streaming bouleverserait intégralement le modèle économique de son groupe. « Les franchises de sport vendent les droits télévisés au plus offrant. Par conséquent, ce n’est pas un secteur où Netflix aurait un avantage clé sur la concurrence ». Mais il ajoute également que Netflix continue d’étendre son secteur d’activité. Un tel développement serait un coup dur pour l’industrie télévisée traditionnelle à l’heure où un certain nombre de foyers conservent leur abonnement télévisée uniquement pour les retransmissions en direct d’événements sportifs.

Tout le monde aura une télévision connectée

Neil Hunt rapporte qu’environ 100 million de téléviseurs connectées seront vendus en 2014 et selon lui, en 2025, tout le monde possèdera une TV connectée. Un enjeu central est la compétition des fabricants de smartTV. Cette bataille devrait voir les grands groupes du câble, les FAI, les géants des télécommunications, les services de VoD et les fabricants d’appareils électroniques s’affronter.
What Television Will Look Like in 2025, According to Netflix, Wired, 19/05/2014
Adaptation par Romain Rancurel pour MEDIAMERICA le 9 juin 2014:
http://mediamerica.org/

Source, magazine WIRED version USA:
http://www.wired.com/

Version Anglaise du magazine WIRED:
http://www.wired.co.uk/

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Jérome Robert
Ex concepteur-redacteur multimedia, Jerome ROBERT est co-fondateur du site Domoclick.com créé en 2000 à Albi (81000 FRANCE) sur l'innovation et la communication dans l'habitat. Il a co-écrit avec Laurent FABAS (ingénieur thermicien) le "Guide de la maison économe, la solution écologique" (Eyrolles pratique 2008) !