Le philosophe et mécanicien Matthew B. Crawford, l’auteur d’Eloge du carburateur essai, sur le sens et la valeur du travail (2010) s’exprime en avant-première et ouvre Les 4mes Assises de l’habitat Leroy Merlin consacrées à la transition énergétique, au numérique et aux nouvelles co-opérations habitants-professionnels qui crée l’allongement de la durée de vie des produits. Pourquoi inviter un philosophe à cette manifestation ? C’est Thomas Bouret, DG de Leroy Merlin France qui nous fournit une réponse dans son éditorial d’ouverture à cette rencontre animé par une série d’ateliers les 20 et 21 juin. Ouverture d’esprit et des nouvelle tendances assurées!

Matthew B.Crawford
Matthew B.Crawford

« Deux grands constats nous ont conduits à faire de ce thème un axe fort de ce moment de partage de savoirs et d’expériences avec tous les professionnels de l’habitat.
-Le premier constat est bien connu mais important à rappeler. Les habitants que nous rencontrons et accompagnons dans leurs projets maison et ceux qui ont participé aux chantiers de recherche conduits au sein de Leroy Merlin Source entre 2015 et 2017 éprouvent toujours le plaisir de rêver, d’aménager et d’améliorer constamment leur cadre de vie, et ainsi de se construire en construisant leur chez-soi avec leur famille.
– Notre second constat est la réaction à ces limites : co-conception, co-construction, participation, collaboration, horizontalité, partage, etc., autant de termes qui désignent de nouvelles manières de faire dans lesquelles les savoirs professionnels, techniques, s’hybrident avec les savoir-faire des habitants fortement marqués par les usages ».

« La construction ou la rénovation de bâtiments est une discipline où vous ne vous contentez pas de vous exprimer vous-même, mais où vous programmez une vie avec les autres. »

Matthew B. crawford, l’auteur de « Eloge du carburateur », également auteur de Pourquoi nous avons perdu le monde, et comment le retrouver (Éditions La Découverte 2016), ouvre les travaux de ces 4èmes assises de l’habitat Leroy Merlin et participe aux deux journées. échanges passionnants assurés.

Que vous évoque le sous-titre de cette nouvelle édition des Assises de l’habitat Leroy Merlin : « penser avec, faire ensemble » ?

– Matthew B. Crawford: J’aime l’idée de penser avec l’existant et, ensuite, mettre les choses ensemble. Cette formulation suppose de construire à partir d’un existant, de l’améliorer, de chercher des alternatives adaptées à un objectif : c’est très intéressant. On ne construit jamais un nouveau bâtiment à partir de rien. Les caractéristiques du site sont importantes, il n’est pas vierge. De plus, on fait avec un certain nombre de contraintes pour créer du fonctionnel et trouver des réponses à la question de la vie en collectivité. C’est très différent de l’idée communément partagée de créativité, où la création survient de nulle part, comme par enchantement. Cette idée de création ex nihilo est très théologique. Or, rien n’est plus faux de la part d’un artiste. Le culte de la créativité oublie que l’artiste travaille sur la base de contraintes : celles de son matériau (les mots pour un poète, la glaise pour un sculpteur, etc.).

C’est dans le cadre de ces contraintes qu’il met en œuvre son énergie créatrice. quand il s’agit de créer ou de rénover une maison, d’une manière encore plus prégnante, vous êtes obligé d’être fonctionnel : vous ne fabriquez pas une œuvre destinée à un musée, mais un outil pour vivre, concrètement, avec les autres, ensemble. C’est très humanisant : la construction ou la rénovation de bâtiments est une discipline où vous ne vous contentez pas de vous exprimer vous-même, mais où vous programmez une vie avec les autres. Vous vous projetez dans ce à quoi doit ressembler une vie en collectivité. quand vous concevez votre cuisine, vous vous imaginez en mouvement dans le lieu : à six heures du soir, alors que tout le monde est rentré à la maison, les enfants s’agitent, les parents s’activent dans la cuisine, autour de l’îlot où se prépare le dîner. L’équipement que vous imaginez est vivant avant même d’exister !

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En France, la tendance au « do it yourself » bat son plein : que voyez-vous derrière elle ?

_ MBC: De ce point de vue, la France est très semblable aux États-unis. C’est une réponse au manque d’occasions que nous avons d’agencer le monde, notamment au travail. Les gens rentrent chez eux et ont envie de tricoter un pull ou de rénover leur cuisine dans le but de retrouver l’expérience de l’action sur le réel. quand vous travaillez dans un bureau toute la journée, il est souvent difficile de voir les résultats directs de vos actions. La chaîne des relations de cause à effet est confuse, l’expérience de l’agir peut être illusoire, les normes ne sont pas toujours claires. Dans cet environnement, vous passez une importante partie de votre temps à gérer ce que les autres pensent de vous, qu’ils soient supérieurs ou inférieurs dans la hiérarchie, sans véritablement avoir de prise sur cela, finalement. C’est très frustrant. un charpentier, face à un désaccord avec son patron, pourra simplement lui dire : « cela mesure tant de centimètres : vérifie par toi-même ». Ce travail là repose sur des normes concrètes qui ne peuvent être discutées, remises en cause en fonction de l’interlocuteur que l’on a en face de soi, manipulées à des fins mercantiles ou politiques. Elles sont solides. C’est agréable de travailler dans un environnement aussi limpide. (…)

Vous dites dans votre dernier livre que les français ont un sens solide du bien commun : dans quel sens sommes-nous différents de la culture américaine ?

– MBC: En France, d’après mon expérience – qui est somme toute relativement limitée, la culture collective me semble plus sensible à la manière dont les objets de la vie courante sont fabriqués et, de fait, à leur possible dégradation si vous n’en prenez pas soin. Les Américains se moquent des Français et de leur tendance à la régulation systématique. J’ai un point de vue plus mesuré et j’envie même l’attention que vous portez aux espaces publics et à leur préservation. C’est le cas, par exemple, avec la protection du patrimoine architectural et du caractère traditionnel des bâtiments publics. Aux États-Unis, tout le monde peut faire ce qu’il veut : les espaces publics sont totalement dévolus à la publicité, toutes les surfaces ont été investies à des fins commerciales : le message d’attente de votre carte de paiement, le tapis roulant où vous déposez vos bagages à l’aéroport, la rambarde de l’escalator, etc.

Entretien complet sur:
leroymerlinsource.fr

Présentation et programme des 4ème Assises LEROY MERLIN
http://leroymerlinsource.fr/wp-content/uploads/2017/06/Guide-du-participant-Assises-2017-Web.pdf

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