Parmi les sujets chauds de cette rentrée, celui de la conférence sur l’environnement, les 14 et 15 septembre, sera sans doute un des plus vif car il intègre à la fois le prix de l’énergie des ménages, la cohésion du gouvernement et la pression des écologistes pour garder leur crédibilité dans le conflit sur le gaz de schiste en France. En attendant l’ouverture, demain, de la conférence par la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho (photo) et le grand débat sur la transition énergétique qui doit suivre à l’automne et s’étaler en 2013, voici une présentation de cette énergie non-conventionnelle par Jean-Marc Jancovici et les liens utiles avec une vidéo « Gérer la contrainte carbone, un jeu d’enfant ? et l’IAE.

La ministre Delphine Batho, le 12 septembre 2012 chez Vergnet, près d'Orléans (AFP - Alain Jocard)

Laissons cette page à Jean-Marc Jancovici, ingénieur des Mines et conseil à la Société Carbone 4, qui a le talent d’expliquer concrètement des sujets complexes et de les replacer à l’échelle de notre vie quotidienne .
 » Le changement, c’est maintenant ! Sur l’énergie, il n’en serait que temps, mais les premiers pas du gouvernement ne rassurent guère sur la compréhension du problème. Les euros nous trompent sur l’énergie, trop souvent vue comme un simple poste de dépense parmi d’autres***. L’énergie, c’est ce qui a permis, en 6 générations seulement, la multiplication par un facteur 100 à 1000 de la productivité du travail physique, dans l’agriculture puis l’industrie.

Qu’est-ce que le gaz « non conventionnel » ?

C’est basiquement le gaz qui a suivi une trajectoire classique du point de vue géologique : il s’est formé dans une roche mère, a migré et s’est accumulé dans une roche réservoir, où il est souvent associé à du pétrole et de l’eau (mais pas nécessairement, les réservoirs de gaz secs sont de plus en plus fréquents à mesure que l’on va profond sous terre). Il est exploité presque comme du pétrole : on fore des trous dans la roche réservoir, et on remonte le gaz en surface sous la presion du gaz restant dans la roche.Du coup le gaz non conventionnel englobe des « objets » géologiques très variés, qui ont en commun de renfermer un gaz peu mobile et donc pas très facile à exploiter :

-du gaz qui est resté dans la roche mère où il s’est formé (shale gas),une variante de ce qui précède concerne le gaz qui est resté emprisonné dans le charbon qui s’est formé (coal seam methane ou coal bed methane), le charbon jouant alors le rôle de roche mère,

– du gaz qui a normalement migré dans une roche réservoir, puis cette dernière a perdu sa permeabilité à cause d’un processus géologique,

– du gaz présent dans des aquifères (avec beaucoup d’eau et pas de pétrole !).Il arrive aussi que soit inclus dans cette catégorie les installations situées en régions polaires, et… les hydrates de méthane.

A la différence du pétrole, pour lequel le « non conventionnel » peut être tellement différent du conventionnel que les installations d’exploitation sont très différentes, le gaz non conventionnel actuellement exploité l’est d’une manière assez similaire au gaz conventionnel : on fore dans la roche ou la couche géologique qui le contient, et on le fait remonter. La différence majeure avec le gaz conventionnel porte sur les techniques souterraines employées (fracturation), la durée de vie des puits, leur coût, et le débit qui en sort.

Visuel par l'AFP

Coal Bed Methane

Le coal bed methane, qui désigne le méthane contenu dans le charbon, est connu depuis fort longtemps, très exactement depuis qu’il y a une industrie charbonnière, puisque le méthane est le constituant principal… du grisou. La présence de méthane dans le charbon est normale, et résulte du processus de formation de ce dernier. Après sa formation, une partie de ce gaz peut rester incluse dans le charbon, soit sous forme de poches (le grisou), soit adsorbé (adsorbé signifie en gros « collé à ») sur le charbon à partir duquel il s’est formé. En moyenne, une tonne de charbon contient ainsi 4 m3 de méthane (à température et pression atmosphériques).

Dans l’essentiel des cas, l’énergie pour désorber (« libérer » ou « décoller ») le méthane est le plus souvent supérieure à l’énergie de combustion, ce qui fait que ce gaz ne pourra jamais former une réserve. C’est le cas pour 90% des charbons, pour lesquels la porosité est trop faible (petits trous) et la perméabilité trop mauvaise (les trous communiquent mal entre eux) pour que le gaz circule facilement.

Mais dans certains cas, ce gaz peut se désorber de manière significative. Cette possibilité a d’abord été constatée de manière « accidentelle » aux USA, lorsque des exploitants de pétrole ont remarqué qu’il y avait des remontées de méthane assez significatives dans des puits de pétrole quand ces derniers passaient au travers d’une couche de charbon. Ils ont compris ensuite que ce charbon « acceptait » gentiment de livrer son méthane parce que la tectonique locale avait engendré de nombreuses microfracturations dans la couche en la déformant, ce qui avait grandement augmenté la perméabilité du charbon.

Cette observation géologique a donné l’idée de recréer artificiellement ce processus dans d’autres couches de charbon. Exploiter du coal bed methane, c’est donc créer des microfissures, par fracturation, dans une couche de charbon pour aider le gaz à se désorber. Cela passe par les opérations suivantes :
– un forage d’exploitation descend dans la veine de charbon,ce puits sert d’abord à fracturer encore plus la veine avec des ondes de choc amenée par des « coups de bélier » hydrauliques,
-ce puits sert ensuite à l’injection de micro-billes qui vont empêcher les fractures de se refermer,
-enfin il sert à remonter le méthane libéré.

Cette industrie s’est développée sur les 20 dernières années aux USA, et actuellement le coal bed methane y représente 5 à 10% de la production de gaz. Il y a eu des essais ailleurs (France, Pologne, Russie, Chine ; vraisemblablement des essais ont été faits un peu partout) mais seuls les USA sont connus pour avoir une production significative de ce type.

Les ressources en place de coal bed methane sont certes proportionnelles au charbon en place, mais l’essentiel ne sera jamais productible à cause de la barrière énergétique mentionnée ci-dessus (il faut plus d’énergie pour désorber le méthane que ce que le méthane pourrait produire en brûlant).

A la différence d’un puits de gaz conventionnel, un puits de coal bed methane a une vie très courte : en 1 à 3 ans il parvient à son pic, suivi d’une décroissance très rapide (au bout de 5 ans il y a une division par 10 du volume initial), et d’une « queue » résiduelle, représentant le dixième de la production initiale, qui peut durer 20 ans. Cette caractéristique fait que les puits sont creusés si les volumes et les cours permettent de rentabiliser les couts d’opération, et pour avoir une production maintenue il faut forer en permanence.

Source:
http://www.manicore.com/documentation/petrole/gaz_non_conv.html

*** Quelle énergie pour quelle économie ?
Tribune parue dans un hors série des Echos en janvier 2012 par jean-marc Jancovici, ingénieur conseil
http://www.manicore.com/documentation/articles/energie_economie.html

Domoclick.com

Conférence IEA (Agence International de l’Energie) du 7 mars à Varsovie sur les gaz non-conventionnels:
http://www.iea.org/media/weowebsite/workshops/goldenrules/agenda.pdf