« La transition écologique aura sa feuille de route précise, le débat sur l’énergie devrait être lancé à l’automne et durera au moins six mois » déclare Marie-Hélène AUBERT dans une interview au quotidien Le Monde (propos recueillis par Marie-Béatrice Baudet et Laurence Caramel). Pendant la campagne présidentielle, Marie-Hélène Aubert a dirigé le pôle « Environnement, développement durable et énergie » auprès du candidat socialiste,François Hollande, désormais en fonction depuis aujourd’hui comme président de la République. Membre du Parti socialiste, elle a commencé à travailler auprès de lui à l’été 2009 après avoir quitté les Verts. De 1997 à 2002, elle a été députée d’Eure-et-Loir. Il s’agit du projet écologique du nouveau président élu.

Marie-Hélène Aubert a dirigé le pôle "Environnement, développement durable et énergie" auprès de François Hollande à l'été 2009

Dès dimanche 6 mai, à Tulle, François Hollande a rappelé l’urgence à mener la « transition écologique ». Comment la définissez-vous ?

– Marie- Hélène Aubert: Nos modes de développement et de consommation ne sont pas durables, car ils mobilisent trop de ressources naturelles. Je pense aux énergies fossiles en particulier, qui contribuent au réchauffement climatique. Nous rejetons aussi énormément de déchets et nos ressources en eau sont fragiles. Nous devons veiller à les préserver. L’objectif est de définir un nouveau modèle de développement écologique, mais aussi social: il faut intégrer ce surcoût que produit l’exigence environnementale dans une politique de redistribution. Il ne doit pas y avoir de contradiction entre le social et l’écologique. Il ne s’agit pas d’une rupture brutale, imposée d’en haut mais au contraire d’un processus démocratique. Nous devons prendre le temps d’examiner toutes les données, d’en débattre afin d’élaborer la meilleure feuille de route, le meilleur compromis possible pour cette transition.

Vous relancez un grenelle de l’environnement ? Quel bilan d’ailleurs en faites-vous ?

-MHA: Nous avons auditionné nombre d’acteurs du Grenelle afin de savoir ce qui, selon eux, méritait d’être conservé ou amélioré.Notre philosophie est de placer le dialogue environnemental au même niveau que le dialogue social. C’est pourquoi nous organiserons une « Conférence environnementale » à six : les cinq du Grenelle, auxquels viendront se joindre des représentants du Parlement, car le lien avec les élus a été un des problèmes dans la mise en œuvre du Grenelle.Nous souhaitons aussi établir une régionalisation du processus de dialogue. Il faut sortir des réunions de salon dans les ministères et traiter plutôt de ces problématiques au niveau des régions qui ont toutes leurs spécificités. Nous fixerons, bien sûr, un agenda. Il est impossible de traiter tous les sujets à la fois. Des priorités sont nécessaires.

Et le bilan du Grenelle ?

-MHA: Le dialogue transversal a bien fonctionné, mais rappelons que cette idée était celle des ONG. Elle n’avait pas germé d’un seul coup dans la tête de Nicolas Sarkozy. Malheureusement, ce dialogue n’a duré que quelques mois. On a abouti à une loi Grenelle I, assez consensuelle. En revanche, le processus a commencé à pécher avec la loi Grenelle II, dont la publication des décrets a traîné en raison du poids des lobbies concernés par telle ou telle mesure.

Allez-vous en faire l’audit ?

_MHA: Oui, car nous avons besoin d’une synthèse claire pour bien hiérarchiser nos priorités d’action.

Quelles sont ces priorités ?

-MHA: François Hollande a fait de la transition énergétique un enjeu prioritaire. C’est la première étape que nous mènerons au sein de la Conférence environnementale. Le nucléaire, qui avait été exclu des sujets du Grenelle, y sera traité.Concrètement, le débat sur l’énergie devrait être lancé à l’automne et durera au moins six mois. Il donnera lieu à une loi votée au printemps 2013. Il nous faut d’abord constituer un comité national organisateur dont l’indépendance ne pourra pas être contestée, et qui recevra une lettre de mission précise.

Pour autant, un certain nombre d’objectifs ont d’ores et déjà été fixés comme la mise aux normes énergétiques d’un million de logements par an (600 000 dans le parc ancien et 400 000 dans le neuf) ; la sobriété énergétique ; l’essor des énergies renouvelables (etc.). Concernant ces dernières, je peux vous dire que nous n’attendrons pas l’été 2013 pour réinstaurer un cadre réglementaire stable, visible et incitatif pour l’ensemble des filières (photovoltaïque, éolienne, etc.). Tous les acteurs le réclament. Il y a énormément d’emplois en jeu. Mais il ne s’agit pas de grever les finances de l’Etat.

Est-ce que la France a les moyens de faire face à la concurrence chinoise avec des subventions qui pèseront sur le budget du pays ?

-MHA: Pas question de créer une économie subventionnée ad vitam aeternam. Ces filières sont naissantes, elles ont besoin d’un soutien transitoire. Certains acteurs industriels estiment qu’elles pourraient être rentables et compétitives d’ici à 2017. La France a des atouts, du savoir-faire, et nous encouragerons la recherche et l’innovation. Et la filière solaire, ce n’est pas uniquement la fabrication des panneaux.

Quels sont les autres dossiers urgents, selon vous ?

-MHA: La biodiversité, l’eau, l’agriculture durable. Il faut une méthode de concertation qui nous permette d’avancer vraiment et de sortir d’une logique de confrontation entre écologistes et agriculteurs.

Suite de l’interview publiée par Le Monde :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/05/08/la-transition-ecologique-aura-sa-feuille-de-route-precise_1697770_3244.html#xtor=EPR-32280229-%5BNL_Titresdujour%5D-20120509-%5Btitres

Discours du Président de la République, François Hollande, lors de son investiture le 15 mai 2012 au Palais de l’Elysée:
VIDEO: http://www.elysee.fr/president/mediatheque/videos/2012/mai/discours-de-m-le-president-de-la-republique.13208.html

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