Le débat national sur la transition énergétique, voulu par François Hollande pour esquisser une France moins énergivore, utilisant moins de nucléaire et d’énergies fossiles, a rendu sa synthèse adoptée après la volte-face du Medef. Cet après-midi, le Medef a décidé de rentrer dans les rangs en acceptant un document légèrement remanié après neuf mois de débat national. Le texte est quasiment inchangé sur le fond, selon les constations de l’AFP. Mais il a été dépouillé de certains mots. Ainsi il ne s’agit plus de 15 « recommandations » mais de 15 « enjeux ». De plus le document a été rebaptisé « synthèse des travaux ». Lesquels sont censées poser les bases d’une loi attendue à l’automne. L’objectif ultime est de réduire de moitié la consommation nationale d’énergie d’ici 2050. Au bout du compte, la satisfaction du « camp vert » et la signature de la « synthèse » finale par le Medef est pour Philippe Martin, nouveau ministre, un baptéme du feu qui ressemble à un vrai succès.
La synthèse sur l’avenir de l’énergie en France, s’est donc conclu ce jeudi 18 juillet sur une « synthèse » sans « recommandations » après une réclamation de dernière minute du Medef, laissant au gouvernement la tâche de trancher. Le nouveau document, baptisé « synthèse des travaux », remplace les quinze « recommandations » par quinze « enjeux principaux », a été approuvé le « Parlement » du débat (comprenant patronat, syndicats, ONG, élus et experts) réuni jeudi pour sa dernière séance plénière à Paris.Cette « synthèse » vise à concilier les intérêts divergents tout en laissant ouverts des désaccords de fond sur certains points, comme l’objectif de diviser par 2 la consommation d’énergie d’ici 2050 ou le nucléaire.
Plutôt consensuelles sur la rénovation énergétique des bâtiments, les conclusions font apparaître explicitement ces divergences, laissant au gouvernement le soin d’arbitrer.
Le matin, le ministre de l’Ecologie et de l’Energie Philippe Martin avait déminé les dissensions en rappelant que « c’est le gouvernement qui, en fin de compte, fait le choix ». « Participer à un débat de ce type, ce n’est pas valider a priori les choix et les recommandations que fera le gouvernement », avait ajouté celui qui a succédé début juillet à Delphine Batho.
Prudence sur tous les fronts
Le Débat national sur la transition énergétique, lancé en novembre, a été rythmé par neuf réunions plénières mais aussi des tenues de groupes de travail spécialisés (financement, renouvelables, etc.) et l’audition d’experts. Voulu par François Hollande, il doit déboucher sur des propositions remises officiellement au gouvernement le 20 septembre lors de la Conférence environnementale annuelle pour nourrir une loi de programmation énergétique présentée à l’automne au conseil des ministres.
L’objectif est d’esquisser une France consommant moins d’énergie, utilisant moins de nucléaire et d’énergies fossiles, à la fois pour tenir les engagements internationaux contre le changement climatique et pour rééquilibrer une balance commerciale plombée par les importations de pétrole et de gaz.
Les divergences portent notamment sur l’évolution de la consommation énergétique.
« Esclandre ». La « synthèse » finale reprend un objectif de réduction de 50% de la consommation d’ici 2050 tout en soulignant que certains acteurs, dont les entreprises, le jugent excessif et proposent une cible plus modérée de -20%.
Autre sujet à trancher pour le gouvernement: la mise en musique de l’engagement de François Hollande de réduire de 75% à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité. Prudent, le projet plaide pour « une étude pluraliste de faisabilité pour préciser les trajectoires » permettant de respecter cet engagement.Un engagement auquel ne soucrit pas le Medef.En dépit des tensions réapparues jeudi, « je trouve que nous avons fait beaucoup de progrès » lors du débat, a assuré la facilitatrice des débats, Laurence Tubiana, citant notamment les propositions sur la rénovation de 500.000 logements par an.
Le document final propose aussi des mesures de soutien aux énergies renouvelables ou pour réduire la consommation d’énergie dans les transports, en developpant par exemple les services de partage de voitures ou en réduisant les vitesses maximales autorisées.
Des propositions saluées par le camp « vert ».
Pour le sénateur écologiste Ronan Dantec, l' »esclandre » du Medef ne visait ainsi qu’à « masquer la réussite du débat ».Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, s’est également réjoui de voir que la « quasi-totalité du texte a été préservée » tout en reconnaissant que « le document final n’aura que la valeur que le gouvernement voudra lui donner ».
« Le débat et les analyses des scénarios ont confirmé ce que nous défendions depuis longtemps : la transition énergétique est une chance pour notre société » en créant des emplois ont réagi Marc Jedliczka et Raphaël Claustre respectivement vice-président et directeur du CLER – Réseau pour la transition énergétique.
Diviser par deux la consommation d’énergie d’ici 2050, engager la fermeture des centrales nucléaires, financer la rénovation de 500.000 logements/an
Le gouvernement a eu le choix de trancher les sujets les plus sensibles, au vu du document provisoire transmis , en début de semaine, aux entreprises, syndicats, ONG, élus et experts impliqués depuis neuf mois dans ce « brainstorming » géant sur l’avenir énergétique de la France.
Une esquisse de facture est avancée: 2.000 milliards d’euros d’investissements d’ici 2050, mais la transition permettrait aussi de réduire d’un montant plus important (3.000 milliards) la facture énergétique, selon ce document. L’ambition est de rééquilibrer une balance commerciale plombée par ses importations pétrolières mais aussi de permettre à la France de tenir ses engagements climatiques.
Les quinze « enjeux »** doivent être entérinées par les acteurs du débat jeudi lors de la dernière séance plénière à Paris. Elles ont été rédigées par le comité de pilotage, au terme d’un processus au long cours rythmé par neuf réunions plénières avec tous les acteurs mais aussi des travaux de groupes de travail spécialisés (financement, renouvelables, etc.) et d’auditions de nombreux experts.
Remises au gouvernement le 20 septembre lors de la Conférence environnementale annuelle, elles doivent nourrir une loi de programmation énergétique présentée à l’automne au conseil des ministres et débattue début 2014 au Parlement.
« Cap ambitieux »: la réduction de la consommation énergétique de 50% d’ici 2050
« Sur moi, il n’y a qu’un seul lobby qui a de l’influence, c’est celui de l’intérêt général et des générations futures », a assuré son successeur Philippe Martin, chargé de piloter la fin du processus. Les quinze recommandations finales apparaissent assez générales pour tenir compte des intérêts parfois contraires mais donnent « des orientations claires » au gouvernement, estime l’économiste Alain Grandjean, qui préside le groupe d’experts du débat. Elles fixent notamment le « cap ambitieux » de réduire la consommation énergétique de 50% d’ici 2050. Un objectif toutefois « excessif » pour certains acteurs, notamment les entreprises, qui proposent de s’en tenir à une réduction de 20%. Cet objectif passe notamment par une rénovation beaucoup plus importante dans le bâtiment, érigé en « objectif prioritaire ». Les recommandations plaident pour la mise en oeuvre de dispositifs de financement spécifiques pour rénover 500.000 logements par an. Sur les sujets plus sensibles, la prudence est de mise. Sur le nucléaire, par exemple, est préconisée une « étude pluraliste de faisabilité pour préciser les trajectoires » permettant de respecter l’engagement pris par François Hollande de réduire de 75% à 50% la part de l’atome dans la production d’électricité d’ici 2025. Une telle étude est « une façon déguisée de remettre en cause l’objectif », peste Greenpeace. L’ONG boycotte le débat officiel mais s’est rappelée à son bon souvenir en faisant intrusion lundi dans la centrale du Tricastin (Drôme) pour dénoncer le risque nucléaire. Pendant le débat, les entreprises ont explicitement plaidé pour un prolongement du parc nucléaire français, au nom de la « compétitivité » de cette énergie.
Consommation, logement, transports, nucléaire: le Débat national sur la transition énergétique a identifié jeudi quinze « enjeux majeurs », à défaut de « recommandations », pour l’avenir de l’énergie en France.
-CONSOMMATION: REDUIRE
Les engagements internationaux de la France en matière d’émissions de gaz à effet de serre s’appuient sur une réduction de 50% de la consommation energétique finale, selon la « synthèse » adoptée jeudi. Le document précise que « cet objectif n’est néanmoins pas partagé par l’ensemble des acteurs ». Les entreprises considèrent cet objectif contraire à la compétitvité et proposent une réduction modérée de 20%. La synthèse retient notamment la nécessité de « sensibiliser » les citoyens à la maîtrise de leurs consommations, en développant par exemple l’étiquetage énergétique ou les compteurs électriques « intelligents ».
-BATIMENT: RENOVER
La réduction des consommations d’énergie du bâtiment, premier poste de consommation (environ 40% du total), est « un objectif prioritaire de la transition énergétique », selon la synthèse des débats. Plusieurs pistes sont préconisées pour « se donner les moyens » de rénover 500.000 logements par an: un guichet unique d’information, « changer d’échelle » en matière de formation des professionnels aux travaux de rénovation énergétique, créer un dispositif financier de démarrage avec des moyens dédiés. A terme, on pourrait introduire une obligation de travaux à certains moments-clé de la vie des bâtiments.
-TRANSPORTS: PARTAGER
Pour l’automobile, un programme national « 2 personnes par voiture » encouragerait les services de voitures partagées, et étudierait la possibilité de réduire les vitesses sur autoroutes (120 ou 110 km/h au lieu de 130), routes (de 90 à 80 km/h) et ville (de 50 à 30 km/h) ou d’instaurer des péages urbains. Le fret, fluvial et ferroviaire, à la peine, doit aussi être relancé.
-NUCLEAIRE: DIMINUER
La synthèse reprend l’objectif de François Hollande de ramener de 75% à 50% la part de la production nucléaire dans le mix électrique en 2025. Un objectif rejeté par certains, rappelle le texte. Est notamment évoquée une « étude pluraliste de faisabilité pour préciser les trajectoires permettant d’atteindre les engagements du Président de la République ». Mais aussi la possibilité d’intégrer dans la loi un pouvoir de l’Etat de fermer des centrales pour des raisons de politique énergétique. Une telle décision ne peut aujourd’hui être imposée que pour des motifs de sûreté.
-GAZ DE SCHISTE: EVALUER
Le débat entre pro et anti-gaz de schiste est loin d’être tranché. Mais est retenue la nécessité d’une étude sur l’impact socio-économique (tourisme, emploi, prix de l’énergie) environnemental et climatique de l’exploitation de ces gaz.
-RENOUVELABLES: ENCOURAGER
Plus consensuel, le développement des énergies renouvelables est fortement encouragé. Un débat subsiste toutefois sur l’objectif à poursuivre, la synthèse retenant un objectif de 30 à 40% de renouvelables dans la production d’électricité en 2030. Le Medef estime toutefois cet objectif trop ambitieux, alors que les ONG plaident pour 40% minimum.
« Le plus dur reste à faire » maintenant pour le gouvernement, résume Alain Grandjean, reconnaissant que les « atermoiements actuels » du gouvernement, après l’éviction de Mme Batho notamment, « font douter de (sa) volonté de transformer l’essai après ce débat plus productif sans doute qu’attendu ».
Domoclick.com avec l’ AFP