Amine Mekouar (Photo) est un jeune architecte établi à Casablanca. De retour de Paris où il a assisté au salon Batimat 2005 (du 7 au 12.11 ) , il explique les tendances architecturales dans un entretien au quotidien Aujourd’hui le Maroc, ainsi que les nouveautés qui ont marqué le plus ce rendez-vous sur les filières du bâtiment. A ses yeux, de riches exemples parmi trois secteurs clés resortent de cette vitrine internationale: la maîtrise de lénergie, laccessibilité des bâtiments aux personnes à mobilité réduite et le développement de nouveaux services dans le bâtiment intelligent. Un regard neuf et critique très révélateur !
ALM : Quel bilan faites-vous de votre participation à BATIMAT 2005 ?
Amine Mekouar : Véritable baromètre du secteur, BATIMAT 2005 a réuni sur une surface de plus de 130 000 m2 pas moins de 2700 exposants industriels dont 30% provenant de 52 pays du monde. Laxe majeur du salon, la problématique du développement durable aura suscité quelque 900 nouveautés. Ma participation à BATIMAT ma permis de tirer des enseignements très instructifs sur des secteurs encore peu développés au Maroc et quil faudrait aborder pour améliorer le confort de vie dans nos bâtiments. Vu limmensité du salon, jai focalisé ma visite autour de trois thèmes : la maîtrise de lénergie, laccessibilité des bâtiments aux personnes à mobilité réduite et le développement de nouveaux services dans lhabitat (bâtiment intelligent). Les exposants se sont appropriés le terme du développement durable, souvent judicieusement, au travers de leurs produits et des solutions proposées. Le professionnel artisan, entreprise ou architecte, auront fait des découvertes étonnantes (une future isolation en fibre de banane et laménagement dune salle de bain de 1 m2 de surface au sol !). Dune autre manière plus concrète et directement liée à la pratique de nos chantiers au Maroc, la visite des halls 1 et 7 (gros uvre et décoration) a été plus enrichissante. Une variété de choix de revêtement de sol (naturel ou béton reconstitué) de revêtements muraux, de luminaires (fibre optique et L.E.D.) . aménagement de bureaux (faux plafond et sols coulés mince). Le bilan est plus que satisfaisant, on quitte BATIMAT lesprit plein didées à adapter à nos méthodes daménagement.
Quelle a été la particularité de la participation marocaine à ce rendez-vous international ?
AM: Jai remarqué que les visiteurs étrangers étaient particulièrement présents, les premiers jours du salon. Le nombre de ceux venus du Moyen-Orient et de lAsie avait connu une hausse spectaculaire en 2003. Ils sont revenus en 2005. Hormis le nombre important de la délégation marocaine (20 stands) envoyés avec le concours du Centre marocain de la promotion des exportations (CMPE), il faut noter la présence de notre ministre de lHabitat, Taoufiq Hejira en compagnie de lambassadeur du Maroc en France, et je profite de cette occasion pour rappeler que le Maroc organise fin novembre à Paris un salon intitulé «Construire votre maison au Maroc». En tout état de cause et cest une particularité marocaine, le ministre marocain est la seule personnalité politique à avoir fait le déplacement cette année. Aucun ministre français nest venu. Le savoir-faire marocain aura été fièrement et massivement représenté tant quantitativement (20 stands pour pas moins de 8 secteurs dactivité) que qualitativement (grande variété de représentants de revêtements minéraux marbre pierre qui ont connu un franc succès). Et on notera aussi leffort consenti par notre délégation qui aura montré quau Maroc larchitecture, la construction et la promotion immobilière sont représentées par une presse spécialisée. Les exposants marocains ont fait preuve de compétitivité au niveau du rapport qualité/prix (comparé aux entreprises françaises) sur des lots aussi concurrentiels que laluminium, le PVC et les sanitaires.
Sur le plan architectural, quelles sont les nouveautés de ce salon ?
AM: Comme je lai dit en début dinterview, les nouveautés du salon BATIMAT 2005 sont axées sur le développement durable, autour de trois tendances : tendance énergie, tendance accessibilité et tendance bâtiment intelligent.
AM: En quoi consistent ces trois tendances ?
La première, tendance énergie, est un grand sujet de recherche pour ces prochaines années, la maîtrise de l’énergie passe par la construction de bâtiments davantage producteurs que consommateurs en la matière. Si cette approche des bâtiments dits »à énergie positive », concerne surtout le neuf, elle va se traduire pour la rénovation du patrimoine bâti existant, par des technologies nouvelles en rupture avec les pratiques actuelles. D’ores et déjà, des progrès ont été réalisés dans le domaine du chauffage naturel, avec une meilleure protection solaire des façades vitrées et la récupération des apports solaires. Bien sûr, ces évolutions feront appel également aux énergies renouvelables (ENR), avec notamment l’intégration de systèmes de récupération des apports d’énergie photovoltaïque et solaire dans les ouvrages de façade et de toiture, etc.
Quen est-il de la tendance accessibilité des bâtiments ?
AM: Il sagit de faciliter la vie courante des personnes à mobilité réduite, plus ou moins temporairement, ce qui constitue une autre révolution en marche. Cette préoccupation de plus en plus présente compte tenu duvieillissement des populations, nécessite de prendre en compte une chaîne continue d’accessibilité depuis la conception urbaine jusqu’aux ouvrages. Cette notion a logiquement évolué sous le concept de »design accessibilité », appliqué aux villes, aux bâtiments publics puis aux appartements. La Commission européenne des transports prépare une Directive pour décembre prochain, visant à rendre accessibles tous les transports européens, trains, bus, tramway, etc., d’ici à 2012.
Que voulez-vous dire par tendance bâtiment intelligent ?
AM: Construire un logement durable nécessite de relever des défis liés au confort, à l’économie, à la sécurité et à l’environnement. La domotique développe des solutions de contrôle et de commande à distances normalisées qui, en assurant une interaction entre usagers et ouvrages, paraissent naturelles. Outre l’utilisation des infrastructures électriques existantes pour la réalisation de réseaux Internet, il peut s’agir de fonctions nouvelles comme la gestion et le contrôle des sources d’énergie, du confort thermique et sonore, et de la sécurité. À titre d’exemple, citons les portes de garages ou des portails automatiques, les volets roulants électriques, les interphones, voire des visiophones reliés au portail, etc. Mais aussi les fenêtres auto-régulatrices, des capteurs solaires intégrés dans les ouvrages (brise -soleil, fenêtre de toit), de bornes WiFi dans des plafonds, etc. Cette notion de confort individuel s’inscrit également dans une démarche de développement durable et donc d’intérêt collectif. Rester chez soi plutôt que d’aller en maison de retraite, ou fermer sa maison sans avoir à se déplacer, constitue un avantage social réel qui s’inscrit tout à fait dans le cadre du logement durable. Je pense quau Maroc, il y a beaucoup à faire en termes d’ingénierie financière, socio-économique, technique et technologique. Le Maroc est un pays jeune, engagé dans une dynamique de construction importante qui favorise la politique du « logement pour tous» mais malheureusement au détriment de la notion de « confort pour tous » et déconomie de la construction. En ce sens, BATIMAT sera plus que jamais l’occasion pour chacun des acteurs de se faire une idée sur ses capacités à intégrer ces nouveaux concepts.
Propos recueillis par Fadoua GHANNAM
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