La Commission européenne n’en est pas à une contradiction près. Alors qu’elle vient de voter un texte pour autoriser l’exploitation des gaz de schiste en Europe**, elle vient d’ appeler, mercredi 22, à doubler la réduction de ses émissions de CO2 de 20% à 40% en 2030. Un texte très attendue par les citoyens écologistes afin de lutter contre le réchauffement climatique**, mais la partie s’annonce difficile car les Etats européens sont bien décidés à sauvegarder la compétitivité de leurs industries et craignent une montée des coûts de l’électricité. Ce que redoute en particulier Gérard Mestrallet, PDG de GDF SUEZ pour qui » l’Europe de l’énergie est un triple échec »***.
La Commission européenne a appelé mercredi l’UE à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 mais la partie s’annonce difficile car les Etats défendent leur compétitivité industrielle et craignent une montée des coûts de l’électricité.
L’objectif de réduction du CO2 et des autres gaz à effet de serre (GES) pour lutter contre le réchauffement climatique,est assorti d’un objectif de 27% contraignant au niveau européen pour la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l’UE et par un objectif indicatif de 25% pour les économies d’énergies, à finaliser à l’automne. La Commission laisse aux Etats la faculté de décider s’ils veulent exploiter leurs réserves de gaz de schiste. Elle propose enfin de renforcer le marché des quotas d’émissions (ETS), principal instrument de la politique climatique de l’UE, avec la constitution en 2021 d’un mécanisme de réserve permanent représentant 12% des certificats en circulation à cette période.
« Nous proposons un cap à long terme ambitieux et réalisable », a soutenu le président de l’exécutif bruxellois, José Manuel Barroso. Les dirigeants européens doivent se prononcer sur ces propositions lors d’un sommet les 20 et 21 mars à Bruxelles. L’UE, qui émet près de 11% des GES dans le monde, sera ainsi la première à indiquer ses objectifs de réduction d’émissions après 2020.
Tous les autres pollueurs, dont les deux plus grands sont la Chine et les Etats-Unis, doivent le faire d’ici la conférence de Paris en 2015, date à laquelle la communauté internationale s’est donné comme objectif de sceller l’accord le plus ambitieux jamais conclu pour lutter contre le réchauffement. La responsable de l’ONU pour le climat, Christiana Figueres, a salué un « signal positif » pour le rendez-vous de 2015 à Paris où un accord international doit être scellé. »La Commission européenne met l’Union sur le bon chemin », a-t-elle tweeté. Mais ces objectifs sont jugés insuffisants par les défenseurs de l’environnement. L’UE a réduit ses émissions de 18% en 2012 et sans nouvel effort, elle les aura réduites de 32% en 2030, selon les estimations de la Commission.
Nicolas Hulot, envoyé spécial du président français François Hollande pour la protection de la planète, a dénoncé « la manque d’ambition » de l’UE. Greenpeace et le Réseau Action pour le Climat réclament une réduction d’au moins 55% par rapport à 1990 si l’UE veut tenir son engagement d’une baisse de 85 à 90% pour 2050.
Négociations difficiles Ces critiques irritent la Commission européenne. « Cette proposition est crédible et réalisable, si tout le monde fait un effort sérieux. Elle fait la part des choses entre ceux qui veulent bâtir des châteaux en Espagne et ceux qui ne veulent rien faire, car les autres grands pollueurs ne font rien », a confié à l’AFP un membre de l’exécutif bruxellois.
« Il est très important que les dirigeants européens acceptent l’objectif proposé par la Commission de 40% comme l’ambition minimum » que peut se fixer l’UE, a plaidé Lord Nicholas Stern, auteur du célèbre rapport sur l’économie du réchauffement climatique. Les négociations s’annoncent difficiles au vu des pressions exercées sur les commissaires. M. Barroso a dû batailler jusqu’à mardi soir pour imposer la position prônée par la commissaire au Climat Connie Hedegaard.
Plusieurs de ses collègues, –l’Allemand Günther Oettinger (Energie), l’Italien Antonio Tajani (Industrie), le Polonais Janusz Lewandowski (Budget), le Roumain Dacian Ciolos (Agriculture) et le Slovaque Maros Sefcovic (Administration)– voulaient un objectif de seulement 35% pour protéger la compétitivité industrielle.
L’objectif proposé par la Commission n’est « réaliste que si un accord contraignant sur le climat peut être conclu en 2015 (…) pour que l’Europe ne se retrouve pas seule en première ligne » a d’ailleurs mis en garde l’association Business Europe qui représente le patronat européen. Les pressions ont également été intenses de la part du Royaume-Uni et de l’Espagne pour refuser toute contrainte nationale sur les énergies renouvelables et la plupart des pays de l’UE freinent leurs soutiens au solaire et à l’éolien, jugés responsables de l’augmentation des factures d’électricité.
** La Commission européenne a adopté mercredi 22 janvier 2014 une recommandation qui laisse la voie libre à l’exploitation du gaz de schiste en Europe.
Il y a plusieurs conditions à respecter des « principes communs » minimaux, notamment sanitaires et environnementaux. « Le gaz de schiste suscite des espoirs dans certaines régions d’Europe, mais également des inquiétudes. La Commission répond aux demandes d’ action en formulant des principes minimaux que les Etats membres sont invités à suivre afin de tenir compte des aspects environnementaux et sanitaires et de donner aux exploitants et aux investisseurs la prévisibilité nécessaire », a expliqué le commissaire chargé de l’Environnement, Janez Potocnik.
Au grand dam des organisations de défense de l’environnement et à l’encontre du souhait du Parlement européen, la Commission européenne a refusé d’imposer des normes juridiques contraignantes concernant l’exploration et l’exploitation de cette source d’énergie.Les recommandations de Bruxelles sont « totalement insuffisantes pour protéger les populations et l’environnement des risques posés par l’extraction de ces hydrocarbures », a estimé l’ONG Les amis de la Terre. Elle a dénoncé dans un communiqué « le manque absolu de courage de l’Union européenne qui, face aux pressions des lobbies, a renoncé à prendre des mesures concrètes dans ce domaine ». « Un site ne pourra être sélectionné que si l’évaluation des risques démontre que la fracturation hydraulique à haut débit n’entraîne la libération directe d’aucun polluant dans les nappes phréatiques », recommande notamment la Commission.
Les Etats devront également s’assurer que les installations pour exploiter le gaz de schiste soient « construites de manière à éviter des fuites à la surface et des déversements dans le sol, l’eau ou l’air ».
Les évaluations d’impact sur l’environnement devront être menées avec « le maximum de transparence », insiste le texte de la Commission. Les autorités nationales devront ainsi informer le public des produits chimiques utilisés durant la fracturation hydraulique.
Les Etats membres de l’Union sont simplement invités à appliquer les principes formulés dans un délai de six mois et, à compter de décembre 2014, à informer chaque année la Commission des mesures qu’ils auront mises en place. Le développement du gaz de schiste dans l’UE est controversé. Certains pays (Royaume-Uni, Danemark, Pologne, Roumanie) développent des projets d’exploration, mais la France et la Bulgarie ont interdit l’exploitation. L’Allemagne a banni la fracturation hydraulique dans les zones riches en eau de son territoire.
Domoclick.com avec l’ AFP
** Association Je vote pour le climat, contre le réchauffement climatique:
http://www.jevotepourleclimat.fr/?page_id=230
*** Interview de Gérard Mestrallet, PDG de du groupe énergéticien GDF-SUEZ:
http://www.gdfsuez.com/groupe/en-bref/