Moratoire, concertation, baisse des tarifs… En durcissant le cadre réglementaire qui régit la filière, le gouvernement a rabattu les cartes de la compétitivité. Alors que l’avenir s’assombrit pour de nombreuses PME françaises, grands énergéticiens et start-up de niche devraient pourtant tirer leur épingle du jeu. L’état des lieux avec l’éclairage d’Anne Farthouat pour Novethic.

Edition du magazine Maison positive de juin 2011

En dix ans, la capacité installée de production photovoltaïque française sera passée d’à peine dix mégawatt à plus d’un millier. Une croissance exponentielle, boostée par l’instauration du crédit d’impôt en 2004 et surtout, par la mise en place de tarifs d’obligation d’achat attractifs en 2006. La volonté gouvernementale d’accroître la part de l’énergie solaire dans la production électrique, incarnée par les objectifs du Grenelle de l’environnement, a encouragé les créations d’entreprises, tant sur le volet industriel que sur celui des services, portant le nombre d’emplois de la filière à 25 000 fin 2010. Mais la machine s’est emballée, et la bulle a éclaté.

Le moratoire imposé par le gouvernement fin 2010 et la révision consécutive du cadre réglementaire en février dernier ont asséné un coup d’arrêt brutal à l’emballement de la filière. Sous couvert d’enrayer la spéculation que subissait le marché ces derniers mois, les ministres de l’écologie, de l’économie, de l’agriculture et de l’industrie ont sensiblement resserré les vis. Baisse des tarifs de rachat de 20%, lancement d’appels d’offres pour les installations de plus de 100 kW, obligation de fournir une garantie bancaire couvrant la globalité des investissements pour les projets de plus de 9 kW, définition d’une cible annuelle de croissance maximale à 500 MW… Une douche froide pour les acteurs de la filière.

« Le moratoire a durablement affecté la confiance des organismes financiers »

« Entendons-nous bien, la baisse des tarifs était inéluctable, car les coûts de production, notamment chinois, ont chuté ces derniers mois. D’ailleurs, nombre d’industriels français réclamaient cette régularisation, précise Eric Scotto, président d’Akuo Energy. C’est la méthode que nous contestons. » Partageant cet avis, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) dénonçait dès la publication du décret relatif au nouveau cadre réglementaire « une concertation théâtralisée » des acteurs de la filière durant le moratoire. « Aucune de nos recommandations n’a été prise en compte, fustigeait alors André Antollini, avant de transmettre la parole et la présidence du SER à Jean-Louis Bal, d’après qui « ce nouveau cadre témoigne d’une pure stratégie de baisse des coûts, et aucunement de la volonté de faire émerger une filière française. »

Car de l’avis de tous, cet épisode chaotique a semé le doute dans les banques et autres organismes financiers. Philippe Ourpatian, analyste financier chez Natixis, en témoigne. « Les marchés ont une expérience assez courte des énergies renouvelables, et passées les phases d’apprentissage et d’engouement, ils ont réalisé que les règles du jeu pouvaient être remises en cause. Et sont devenus plus méfiants. » Pourtant, ce sont ces mêmes organismes qui apportent en moyenne 80% de l’investissement nécessaire à un projet de développement photovoltaïque. « Le banquier fait partie de l’ossature de développement d’une entreprise », ajoute Eric Scotto. « Or, nous ne jouons pas dans la même cour que les grands énergéticiens! Sans aucune visibilité réglementaire, comment voulez-vous que les banquiers suivent les PME ? »

D’autant que le nouveau cadre impose pour les installations de plus de 9 kW de fournir lors de la demande de raccordement au réseau « une attestation d’un ou plusieurs organismes bancaires ou financiers qui s’engagent à apporter le financement nécessaire à la réalisation du projet. » Les financiers seront-ils enclins à prendre de tels risques auprès de petites structures ? D’après Laurent Belouze, Responsable des énergies renouvelables au sein du secteur Electricité-Financement de projet chez Natixis, « la vraie question se pose pour les années 2012 et 2013, une fois que les projets déjà actés seront réalisés. Quelles seront alors les relais de croissance de la filière ? Aujourd’hui, nous allons les chercher à l’étranger. »

Un nouveau paysage industriel se dessine

Si Akuo Energy a su développer son activité à l’international (la PME est présente dans douze pays ), la plupart des PME et PMI françaises sont en revanche tournées vers les marchés régionaux et subissent donc de plein fouet cette vague de restrictions. Et quand elles ne mettent pas la clé sous la porte, elles sont souvent contraintes de revoir leurs effectifs à la baisse. Cas emblématique des déboires de la filière, Photowatt, seul fabricant français de panneaux photovoltaïques totalement intégré (il maîtrise l’ensemble de la chaîne de production), a annoncé début février 2011 un plan social prévoyant la suppression de 331 employés (sur 670). Et envisage d’externaliser une partie de ses activités en Pologne. Certes l’entreprise connaissait déjà de lourdes difficultés avant le moratoire, mais comme le précise Vincent Bes, directeur financier de Photowatt, « le moratoire fait perdre à l’entreprise 35% du plan de charge pour l’année 2011. » Le SER estime que 10 000 emplois pourraient être supprimés dans les mois qui viennent.

Si le choc du moratoire n’a pas épargné les grands énergéticiens français, leur assise financière et leur dimension internationale leur permet néanmoins d’envisager l’avenir avec confiance. Total a par exemple pris des participations dans plusieurs start-up américaines spécialisées dans l’amont de la filière, et finance à hauteur de 20% la plus grande centrale solaire à concentration jamais construite, à Masdar City, dans l’Emirat Arabe d’Abou Dhabi. Quand à EDF Energies Nouvelles, « les trois quart des activités du groupe sont à l’étranger » indique Olivier Petros, directeur Enr chez EDF. En somme, deux types d’acteurs sont en train d’émerger sur la scène photovoltaïque française : les grands énergéticiens et leurs projets d’envergure internationale, et quelques start-up, spécialisées dans des marchés de niche à forte valeur ajoutée technologique.

Source: Anne Farthouat pour Novethic le : 03/05/2011
Novethic:
http://www.novethic.fr/novethic/developpement-durable/energie-renouvelable-solaire-biocarburant

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