« Une France de propriétaires, oui, mais qui en a les moyens ? » Tel est en substance le message de la Fondation Abbé Pierre, qui dénonce dans son rapport annuel le caractère « inégalitaire » de l’actuelle politique du logement. L’étude de l’OCDE va encore plus loin puisqu’elle dénonce la plupart de politiques en la matière, intitulé « Le logement et l’économie : des politiques à rénover » qui sont essentiels à la stabilité et à la croissance. Présentations

Dans un contexte de crise marqué par une montée de la précarité et la multiplication par deux des prix de l’immobilier en dix ans, inciter les Français à s’acheter un toit peut se révéler risqué, estime l’organisation. Une mauvaise gestion des marchés du logement a joué un rôle décisif dans le déclenchement de la récente crise financière mondiale et pourrait freiner la reprise. Une nouvelle étude de l’OCDE présente aux gouvernements une feuille de route pour la mise en œuvre de politiques du logement plus saines.

L’étude de l’OCDE intitulée « Le logement et l’économie : des politiques à rénover » montre que des réformes portant sur la réglementation du secteur financier, la fiscalité, l’urbanisme, les dispositions applicables au marché locatif et l’offre de logement social apporteront des améliorations aussi bien au secteur immobilier qu’à ses retombées sur l’économie dans son ensemble. « Les pays de l’OCDE ont constaté les dommages causés par des politiques mal conçues à travers leurs effets sur les marchés du logement » a déclaré M. Angel Gurría, Secrétaire général de l’OCDE. « Au moment où nous cherchons de nouvelles sources de croissance, où nous cherchons à restaurer la croissance dans les secteurs financiers, où nous cherchons à rendre nos économies plus vertes, les politiques liées au logement peuvent avoir un grand impact sur notre avenir ».

L’OCDE a constaté qu’au cours des deux dernières décennies la facilité d’accès au crédit a amplifié l’instabilité des prix, qui s’est traduite par des poussées des prix réels du logement de 90 % ou plus en Australie, en Belgique, en Espagne, en Finlande, en Irlande, en Norvège, en Nouvelle-Zélande, aux Pays Bas et au Royaume-Uni au cours de la période étudiée. La déréglementation et l’innovation sur les marchés hypothécaires – jointes à des mécanismes de contrôle inadaptés– ont contribué à un assouplissement notable des normes en matière de prêt, à une augmentation des prêts improductifs et à la crise des sub-primes (crédits hypothécaires à haut risque).

Le rapport, correspondant à un chapitre de la publication de l’OCDE Objectif Croissance à paraître prochainement, montre qu’à l’avenir les innovations sur les marchés des crédits hypothécaires devront s’accompagner d’une supervision plus stricte et de réglementations prudentielles plus rigoureuses.
Le rapport montre par ailleurs comment des politiques favorisant l’accès à la propriété du logement par rapport au recours au marché locatif ont réduit la mobilité résidentielle et professionnelle. C’est en particulier le cas pour les ménages qui ont contracté des crédits hypothécaires et dont la valeur du patrimoine est devenue négative du fait de la crise. La faiblesse de la mobilité risque de compromettre la reprise des créations d’emplois qui est en cours.

Les autres principales réformes à adopter devraient être les suivantes :

Accroître l’élasticité de l’offre de logements neufs par rapport à la demande du marché. Les pays devraient réexaminer les procédures d’octroi de permis de construire qui limitent les nouvelles mises en chantier et réexaminer les règlements d’urbanisme qui empêchent indûment la viabilisation des terrains. Une offre plus élastique peut limiter l’instabilité des prix, leur hausse excessive et encourager la mobilité de la main-d’œuvre.
Mettre fin aux politiques fiscales qui favorisent le logement par rapport aux autres investissements. Un régime fiscal favorable abaisse les coûts d’emprunt, tout en favorisant l’excès d’investissement, la spéculation et l’instabilité des prix et limite la mobilité. Les allègements fiscaux sont capitalisés dans les prix des logements, ce qui empêche les ménages à faibles revenus d’accéder à la propriété. Les impôts fonciers devraient mieux correspondre aux valeurs du marché.
Encourager la mobilité de la main-d’œuvre. L’abaissement des coûts de transaction permettrait aux ménages soumis aux plus fortes contraintes financières de déménager. Un réaménagement des réglementations strictes en matière de contrôle des loyers permettrait d’accroître l’offre de logement. Des logements sociaux mieux ciblés permettraient d’améliorer leur accès pour les ménages les plus défavorisés. Les responsables politiques doivent éviter la concentration des ménages à faibles revenus dans certaines zones. Des allocations logements transférables pourraient être préférables à l’offre directe de logement. »Il manque 900.000 logements en France, il manque des places d’hébergement, et face à ces difficultés on a l’impression qu’on laisse faire le marché », dit-il. « Il faut une intervention publique forte qui soit orientée principalement vers les plus modestes et les catégories moyennes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ».

La Fondation Abbé Pierre donne des directives

L’urgence est d’autant plus grande que le nombre de Français au seuil de la pauvreté s’accroît en même temps que les inégalités: 10% des ménages les plus riches possèdent 46% du patrimoine, alors que les 50% les plus modestes se partagent 7%.

L’édition 2011 du rapport sur le mal-logement en France est de couleur noire « pour symboliser l’état de faiblesse dans lequel trouvent tant de familles, victimes d’une insuffisance, voire d’une inertie politique de 30 ans », écrit le président de la Fondation Abbé Pierre, Raymond Etienne.

Au chapitre des propositions, l’organisation suggère de construire 500.000 nouveaux logements par an pour résorber le retard, la création d’une loi foncière et d’une loi de programmation sur cinq ans, une réforme de la fiscalité plus égalitaire et des mesures encourageant la mixité sociale. Elle juge utile d’obliger les communes de plus de 3.500 habitants à construire 25% de logements sociaux, contre 20% aujourd’hui.

Domoclick.com avec Reuters : Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse

Division des relations avec les médias de l’OCDE (+33 1 45 24 97 00 ou contacter: [email protected]).

L’étude de l’OCDE , 28 pages:
http://www.oecd.org/dataoecd/42/12/46917420.pdf

Des fiches descriptives sont également disponibles pour l’Australie, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.