« Voiture électrique: l’échec français » annonce Economiematin*, le 6 juin qui relève que la voiture électrique la plus vendue en 2011 ne l’a été qu’à 645 exemplaires: la Citroën C-Zéro, c’est un fait. Autre fait plus marquant,les gaz d’échappement sont désormais classés parmi les « cancérogènes certains pour les humains » par le Centre international de recherche sur le cancer selon l’agence de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS le 12juin 2012). Enfin, la Chine vise 5 millions de VE (voitures électriques) d’ici 2020, notamment avec le groupe sino-japonais National Electric Vehicle Sweden (NEVS). Et Renault s’apprête à lancer en force sa nouvelle Zoé au Mondial de l’automobile de Paris en octobre. Pour autant, la VE a-t-elle la voie libre devant le capot ? La personnalité avec, sans doute, la meilleure visibilité sur la mobilité électrique en France est la secrétaire générale de l’AVERE France ** , Charlotte de Silguy répond et bouscule le « mur de papier » selon son expression, sur les VE: « Il faut démystifier l’idée que le véhicule électrique reste urbain puisqu’il a un potentiel énorme comme deuxiéme voiture des Français, même en milieu rural» déclare-t-elle sans complexe dans une interview parue le 5 juin dans Les Echos.

Mme Charlotte de Silguy, secrétaire générale de l'Avere roule électrique depuis 7 ans, un véhicule de flotte acheté 2000€

Quels pas décisifs ont été récemment franchis en faveur du véhicule électrique (VE) ?

CdeS: Depuis trois ou quatre ans, une conjonction de facteurs a apporté un terreau plus favorable à une éclosion du VE en France, en prolongement de l’explosion du prix du baril qui avait été un vrai tournant en 2008. Pêle-mêle, on peut citer des avancées technologiques par exemple sur les batteries qui ont doublé leur autonomie en quinze ans et qui sont promises à d’autres progrès dans les années à venir, mais aussi les facteurs climatiques qui ont fait avancer les contraintes posées par Bruxelles en matière de CO2, lesquelles ont incité les constructeurs automobiles à être plus efficaces. Avec le nucléaire, l’énergie électrique produite en France est plus fortement décarbonée qu’en Europe et dans le monde de sorte qu’un VE roulant dans notre pays n’émet que de 15 à 20 grammes de CO2 au kilomètre contre environ 80 grammes en moyenne en Europe et 130 grammes dans le monde. La prise de conscience écologique et sociétale a rendu les pouvoirs publics, surtout locaux, plus attentifs à la qualité de l’air, aux émissions de particules fines et à l’impact de la folie du diesel. Ces émissions sont responsables de 2 millions de morts par an dans le monde dont 42.000 en France. Un chiffre dix fois plus élevé que les morts sur nos routes. En parallèle, les entreprises savent mieux analyser leurs coûts globaux en raisonnant en «  total cost of ownership  » (TCO). De ce point de vue, un VE n’est plus ce que les gestionnaires imaginaient puisque le coût d’achat aujourd’hui plus élevé est compensé par des coûts au kilomètre bien inférieurs à ceux des véhicules thermiques, par une durée de vie bien plus longue et un entretien moins coûteux.

Un développement rapide du véhicule électrique ne risque-t-il pas de poser des problèmes de production d’électricité ?

CdeS: Deux millions de véhicules en 2020 ne représenteraient que 1 % de la consommation d’électricité du pays. Il ne faudra pas de centrale nucléaire supplémentaire pour faire rouler les VE, d’autant que la majorité des recharges se fera la nuit, en période de basse consommation. Nos ordinateurs sont 12 fois plus énergivores. Par ailleurs, un moteur thermique a un rendement de 12 % à 15 % : il produit surtout de la chaleur alors qu’un moteur électrique, en incluant dans le calcul le rendement de nos centrales de production d’électricité, a un rendement trois fois plus élevé. Mais il faut surtout prendre ses distances vis-à-vis de la civilisation du pétrole pour des raisons stratégiques, économiques et environnementales évidentes, et parce qu’elle génère beaucoup plus de morts sur la planète que le nucléaire.
La difficulté de recharge n’est-elle pas aussi un frein ?
90 % des recharges se feront à domicile ou sur le lieu de travail. Le déploiement des infrastructures de recharges publiques se fera progressivement, sans être plus un obstacle que le déploiement des stations-service ne l’a été aux débuts de la voiture thermique.

La place du VE est-elle l’urbain ?

CdeS: Il faut démystifier cette idée que le VE reste exclusivement urbain. Ce n’est pas parce qu’on habite à la campagne qu’on parcourt plus de 120 Km par jour. D’autant que les 15 millions de pavillons individuels périurbains et ruraux n’ont pas de problème d’espace et de prise pour leur recharge. La plupart du temps un VE pourrait suffire si on ne fait pas plus de 4 longs trajets dans une année. Beaucoup de ménages ont 2 voitures et le VE a un potentiel énorme comme deuxième voiture des Français, même en milieu rural.

Le VE est aussi très cher ?

SdeC: Pas plus qu’un ordinateur ou un téléphone portable, il y a vingt ans. C’est normal pour un produit qui n’a pas atteint sa maturité industrielle, d’où le groupement de commandes pour sortir du cercle vicieux. Encore une fois, un VE ne coûte presque rien à l’utilisation : 2 euros pour 100 kilomètres.

Subit-il des freins psychologiques majeurs ?

CdeS:Je les appelle les murs de papier. Un des plus forts – je l’ai brièvement ressenti moi-même -est la peur irrationnelle, quasi primale, de la panne sèche. Mais il n’y a pas de raison de faire moins confiance à une jauge électrique qu’à une jauge carburant.

Les stratégies des constructeurs automobiles ont-elles évolué ?
SUITE de l’interview (Propos recueillis par Olivier Noyer):
http://www.lesechos.fr/supplement/20120605/special_flottes_d_entreprise/0202082103980-charlotte-de-silguy-il-faut-demystifier-l-idee-que-le-vehicule-electrique-reste-urbain-330278.php

La voiture bleue, électrique, du groupe Bolloré, prépare la voiture verte branché à la maison.

https://www.domoclick.com/economie-energies-eau-bilan-thermique-dpe/la-voiture-bleue-electrique-du-groupe-bollore-prepare-la-voiture-verte-branche-a-la-maison/

Economiematin:
http://www.economiematin.fr/les-experts/itemlist/user/152-alexandrelenoir

Domoclick.com avec Les Echos

** Avere-France est une association européenne créée en 1978 sous l’impulsion de la Commission européenne. De pôle d’ingénieurs au départ, elle est devenue un réseau d’acteurs de la mobilité électrique. Elle est membre de la World Electric Vehicle Association (Weva)/
http://www.france-mobilite-electrique.org/