L’édition du Figaro du 29 décembre 2006 dévoile un insolite cadeau de Noël. Les chercheurs japonais ont mis au point un dispositif permettant d’allumer des appareils électriques à distance. Le 2éme acte, le premier concernait la connection internet Wifi, de la maison sans fil à la patte.
EN 1899, l’ingénieur serbo-croate Nikola Tesla réalisait la première transmission d’électricité sans fil. En envoyant des décharges électriques de deux millions de volts directement dans la terre, il parvint à allumer deux cents ampoules électriques distantes de 40 kilomètres ! Cent sept ans plus tard, la transmission de l’électricité sans fil est en passe de franchir un nouveau palier grâce aux travaux de chercheurs japonais de l’université de Tokyo, présentés le 12 décembre dernier à San Francisco, lors d’un séminaire organisé par l’IEEE (Institute of electrical and electronics engineers).
Ces scientifiques ont mis au point une moquette en plastique semi-conducteur capable de fournir de l’électricité à tout objet électronique posé au-dessus sans utiliser le moindre fil. Ce revêtement peut être installé à même le sol ou sur les murs. Mais contrairement à l’expérience de Tesla, l’objectif ne consiste pas à décharger des millions de volts ! La moquette ne conduit pas l’électricité : elle ne fait que la transférer par induction électromagnétique : un principe physique, découvert justement par Tesla, qui veut que toute variation d’un champ magnétique génère un courant électrique, et vice versa.
En pratique, de minuscules bobines de cuivre placées sous la moquette transfèrent un champ magnétique à des bobines identiques collées sous l’objet. Ces dernières vont ensuite générer par induction électromagnétique un courant électrique permettant d’alimenter l’appareil. Le transfert d’électricité opère même quand l’objet est séparé de quelques centimètres de la moquette. Le rendement de l’opération est proche de 64 %, le reste étant dissipé sous forme de chaleur. Toutefois, « il est possible d’améliorer nettement ce résultat », précise le responsable du projet, Takao Someya.
Ce dernier insiste bien sur le fait qu’« il ne s’agit pas d’un courant électrique mais d’un champ électromagnétique ». En posant votre main sur le sol, vous ne ressentiriez aucune décharge électrique. Pour le prouver, les chercheurs se sont amusés à placer une ampoule dans un aquarium et à l’alimenter grâce à la moquette. Les poissons de l’aquarium n’ont pas été électrocutés et ont continué à nager normalement. En fait, le principe d’induction électromagnétique est déjà utilisé pour recharger des appareils électriques (brosse à dents, carte à puce…) . mais jusqu’à présent, aucun dispositif n’était capable de fournir une puissance électrique suffisante sur une surface importante. La moquette du professeur Someya a cette faculté unique de transmettre une puissance importante sur une large surface grâce aux réseaux de toutes petites bobines de cuivre disposées à la fois sur la moquette et sur l’appareil électrique. Auparavant, l’approche consistait à n’utiliser qu’une seule bobine et à augmenter sa taille pour accroître son champ d’action. Or plus la bobine est grande, plus il y a de pertes. Grâce à ses réseaux de minuscules bobines, Takao Someya et son équipe sont parvenus à transférer près de 30 watts sur une surface de plusieurs mètres carrés.
Impact des ondes électromagnétiques
Pour réduire les consommations d’énergie, les chercheurs tentent de faire en sorte que la moquette transmette de manière sélective, c’est-à-dire uniquement sous l’appareil électrique. Il fallait trouver un mécanisme capable de repérer l’emplacement des objets ayant besoin d’une alimentation électrique. La moquette a donc été dotée, à intervalles réguliers, de petits capteurs capables de mesurer les propriétés électromagnétiques des objets se trouvant en surface. Du coup, seules les bobines se trouvant sous l’appareil électrique seront activées. Ce système présente néanmoins un inconvénient majeur : n’importe quel objet métallique posé sur le sol, comme une pièce de monnaie ou une fourchette, provoque l’allumage. Pour remédier à ce problème, les chercheurs réfléchissent à un système d’identification électronique, par exemple sous la forme d’une puce placée sur l’objet que l’on souhaite allumer.
Grâce à l’utilisation de semi-conducteurs en plastique, l’équipe japonaise est parvenue à créer une moquette souple et bon marché. En effet, il suffit, pour produire des capteurs et des interrupteurs en plastique, de les imprimer, contrairement à ce qui se passe avec le silicium, le matériau semi-conducteur le plus utilisé au monde mais qui a l’inconvénient d’être rigide et plus cher. « Le but est d’arriver à produire un mètre carré de moquette pour 100 euros », affirme M. Someya. Elle pourrait être commercialisée d’ici à cinq ans. L’idée de pouvoir vivre un jour dans des maisons sans fil dans lesquelles lampes, ordinateurs ou ?cafetières électriques seraient alimentés sans prise murale est séduisante ! Il reste cependant quelques interrogations, notamment sur l’impact à long terme des ondes électromagnétiques sur notre organisme, à l’heure où les effets des téléphones portables sur le cerveau suscitent des polémiques « Il faudrait mener de nouvelles études pour connaître l’impact à long ?terme sur la santé », reconnaît d’ailleurs le professeur Someya.
Source : http://www.lefigaro.fr/sciences/20061228.WWW000000300_une_moquette_qui_transmet_lelectricite.html