Auteurs, réalisateurs et producteurs de films ont exprimé lors de leurs rencontres annuelles leur inquiétude face à la révolution technologique liée à l’arrivée du numérique et à l’essor des services de vidéo à la demande (VoD), qui pourraient à terme déstabiliser l’économie du cinéma.

Quelque 500 professionnels étaient réunis du 26 au 29 octobre au palais des congrès de Dijon, pour les rencontres cinématographiques de l’ARP (Société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs). Les débats se sont focalisés sur "l’entrée en force" avec la VoD, des opérateurs télécoms dans l’économie du cinéma et sur les régulations à mettre en oeuvre pour continuer à rémunérer les oeuvres et "promouvoir le cinéma français et européen".

A l’heure actuelle, selon un système unique en Europe, le cinéma français est financé en amont, principalement par la télévision, via le pré-achat et la co-production des films. Cette économie est mise en péril par la concurrence encore marginale, mais croissante, des offres de films via les plates-formes de téléchargement sur internet et de VoD à la télévision lancées par les opérateurs de télécoms. Des réalisateurs tels que Costa-Gavras, Claude Miller ou Radu Mihaileanu se sont fait les porte-parole de la profession pour exprimer de vives inquiétudes face à la montée en puissance de la diffusion des films en numérique, qui pourrait selon eux tarir les sources de financement du cinéma et appauvrir la création. A la tribune, Véronique Cayla, directrice du Centre national de la cinématographie (CNC), a pris acte des "inquiétudes" exprimées face à cette révolution technologique numérique.

"Nous voulons dialoguer avec les fournisseurs d’accès à l’internet (FAI) , je crois le moment venu de les intégrer à notre système de régulation, car s’ils restaient à l’extérieur, le risque serait bien pire", a-t-elle dit. "Si nous les transformons en vrais partenaires, en l’un des acteurs du fonds de soutien, ils apprendront à financer et à aimer nos oeuvres". Mais une loi est nécessaire pour faire entrer les opérateurs de télécoms au fonds de soutien du CNC, ce qui en ferait de nouveaux bailleurs de fonds du cinéma français. En outre, les principaux intéressés invités aux débats de l’ARP n’ont pas manifesté beaucoup d’empressement en la matière. Selon Patricia Langrand, directrice de la division contenu chez France Télécom, l’opérateur historique est favorable à une telle "régulation vertueuse" de ses activités VoD, mais à "certaines conditions". Tous les diffuseurs de contenu – câble, satellite, TNT… – doivent être taxés de la même manière, et les sorties DVD (au bout de 6 mois aujourd’hui) doivent coïncider avec les offres en VoD (7 mois et demi), et non les précéder, a-t-elle précisé. A l’heure actuelle, la VoD est encore embryonnaire en France, avec "un chiffre d’affaires de 20 à 30 millions d’euros en 2006", a indiqué Philippe Bailly (NPA conseil), mais "son développement s’accélère rapidement, en passant du PC à la télévision". Selon Marie-Christine Levet, PDG de Club internet et T-Online France (Deutsche Telekom) qui a lancé en juin une offre VoD sur la télévision par ADSL, ce marché devrait représenter "165 M€ à l’horizon 2010, avec une moyenne de 70€ par famille et par an". Un accord signé le 20 décembre 2005 soumet les opérateurs télécoms à une obligation d’investir dans le cinéma français et européen, et fixe après la sortie en salle, un délai de 33 semaines avant de diffuser les films en VoD.

Site de l’ARP : http://www.larp.fr/sommaire.php3